-Les réserves de change de l'Algérie ont baissé la nuit de la réélection de Abdelaziz Bouteflika à un quatrième mandat : Le Fonds national d'investissement (FNI) a décaissé un chèque de 2.6 milliards de dollars pour acquérir 51% d' OTA, l'entreprise qui détient l'enseigne Djezzy et les deux licences GSM et 3G. Cette opération de rachat sous contrainte a été lancée en 2009 sur décision du président de la République. Orascom Télécom Algérie rapatriait trop de dividendes du point de vue des autorités algériennes. Le gouvernement a tout fait pour faire baisser la valeur de Djezzy depuis quatre ans. Blocage des transferts par la Banque d'Algérie, redressements fiscaux par la direction des impôts, interruption des importations pour le développement du réseau, et le renouvellement des équipements. But de la pression, reprendre à bas prix le premier opérateur de téléphonie mobile en Algérie. Après une offre du sud-africain MTN avortée par l'Algérie, les propriétaires d'OTA, la famille Sawiris, ont choisi de céder la majorité de leur holding de télécom (OTH) qui détient OTA, à l'opérateur russo-novégien Vimpelcom. Alger s'est alors acharné à faire valoir le droit de préemption de la LFC… 2009. Pour rien. Le pacte des actionnaires entre les fondateurs d'OTA — parmi lesquels Cevital — passe avant, selon le droit international. Pas d'effet rétroactif. Naguib Sawiris a, sur la base de tous ses éléments à charge, préparé un dossier en arbitrage international sur lequel tous les experts s'accordaient à dire que l'Algérie partait perdante. Conséquence, le ministère des Finances, piégé en rase campagne, est resté muet sur ce dossier depuis plus d'une année. L'évaluation financière de la valeur marchande de Djezzy commandée à un cabinet international a compliqué un peu plus une démarche farfelue depuis le début. Jamais rendue publique, on sait qu'elle était plus proche de la valeur demandée par les anciens propriétaires que de celle espérée par Karim Djoudi. Il restait encore la possibilité — plusieurs fois suggérée par des experts — de renoncer à l'acquisition coûteuse et de piloter une algérianisation progressive de l'actionnariat de Djezzy par le biais de la Bourse d'Alger. Le processus d'achat a finalement été à son terme. Annoncée au lendemain matin de l'élection présidentielle du 17 avril, la transaction apparaît comme «un autre passage en force». Sans aucune autre signification que d'aller au terme d'un coup de colère contre la famille Sawiris des alliés du clan présidentiel du premier mandat. -L'Algérie a acheté des actifs en dollars pour émarger à des revenus en dinars : C'est bien sûr la première observation à faire dans cette transaction honteuse, cachée dans le brouhaha de l'élection présidentielle. La politique de contrainte sur Djezzy a donné des armes aux Sawiris pour arriver en position de force à l'arbitrage international. Mais n'a pas rendu l'acquisition bon marché. Le montant global de Djezzy aura donc été évalué à un peu plus de 5,2 milliards de dollars. Ce n'est pas très loin des 5,8 milliards de dollars plusieurs fois évoqués comme étant le prix demandé par la holding égyptienne. Qu'est-ce qui a donc poussé le gouvernement algérien que l'on disait en position de force il y a encore un an sur ce dossier à payer aussi cher cette prise de contrôle ? L'agenda politique et le risque de perdre gros en arbitrage. Bouteflika a voulu ajouter une nationalisation de plus à son bilan. Mais «les techniciens» du ministère des Finances ajoutent, pour tenter de mettre du sens dans cette opération, «l'acquisition de 51% des actifs d'OTA permettra de limiter les flux sortants de capitaux» que provoquent chaque année les rapatriements des dividendes des actionnaires étrangers. Jusqu'au deux dernières années, ils étaient significatifs. Mais les dividendes de Djezzy vont rester aussi importants dans l'avenir que par le passé ? Est-ce que l'Etat algérien n'a pas acheté le déjà numéro 2 du marché et non plus le numéro 1 du fait même de sa politique de harcèlement de l'enseigne ? Djezzy a énormément souffert de ce harcèlement. Il n'a pas encore lancé, à fin avril 2014, son réseau 3G. Il n'a pas profité autant que ses deux autres concurrents des mouvements migratoires des abonnés, notamment des nouveaux entrants. Avec le Fonds national d'investissement, le FNI, qui est le véhicule de l'Etat dans cette nationalisation, Vimpelcom n'a pas vraiment un allié professionnel en Algérie, comme par exemple AXA, beaucoup aidé par la Banque extérieure d'Algérie dans le tour de table d'AXA Algérie. Certes, Djezzy a encore de beaux atouts pour défendre son périmètre et le consolider, notamment sa ligne maritime internationale qui relie Annaba à l'Europe et qui peut le rendre le plus compétitif dans le transport de la Data. Est-ce que cela valait pour autant 2.6 milliards de dollars ? Si personne ne veut en parler, c'est sans doute parce que c'est difficile à soutenir. Le grand vainqueur de la semaine algérienne est incontestablement Issaad Rebrab et de très loin. Le patron de Cevital a depuis longtemps un vrai souci. Comment financer ses acquisitions à l'international. -La Banque d'Algérie lui refuse, à lui et aux autres, de transformer ses dinars en devises pour investir hors d'Algérie : Cevital vient de faire avec FagortBrandt en France une retentissante acquisition. Elle permet au passage de créer jusqu'à 7000 emplois à Sétif dans les deux prochaines années. Cevital, détenteur de 3,43% du capital de Djezzy, s'est retrouvé en situation d'arbitre dans la transaction entre le FNI et Vimpelcom. Pour que la vente puisse se faire, il fallait que les actionnaires renoncent à leur pacte. La clé était donc bien entre les mains d'Issaad Rebrab. Il l'a utilisée au mieux de ses intérêts. Comme cela est très souvent le cas. Il a opéré un swap. Cédant ses actions en Algérie pour des actions à l'international chez Vimpelcom. Tout le monde connaît les sentiments peu chaleureux de Bouteflika à l'égard de Rebrab. En s'entêtant à prendre coûte que coûte le contrôle de Djezzy, l'autocrate a donné les moyens à l'industriel de régler son problème. Les nouveaux actifs de Cevital à l'international garantiront les levées de fonds futurs pour de nouvelles opérations d'extension dans le monde. Bouteflika a dépensé, au nom des contribuables, des dollars pour toucher des dinars. Rebrab a touché des devises en cédant des dinars. Le quatrième mandat est parti pour être sénile.