La huitième édition du festival national du théâtre a été ouverte jeudi soir au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, avec la présentation de la pièce Al Ayta, en hommage à M'hamed Benguettaf, disparu début 2014. Sidi Bel Abbès De notre envoyé spécial Bel hommage, jeudi soir, au Théâtre régional de Sidi Bel Abbès, à M'hamed Benguettaf disparu début 2014. En ouverture de la 8e édition du Festival national du théâtre, le comédien Abdelkader Djeriou a offert un spectacle original à partir de la célèbre pièce Al Ayta (Le cri), premier prix au Festival de Carthage en 1989. Il a «invité» Benguettaf à remonter sur scène pour lui donner la réplique, en projetant des extraits vidéo de Al Ayta. Une manière de réactualiser la pièce de Benguettaf avec un texte coécrit avec Youcef Mila. «Le militantisme», «La vache laitière», «Ceux d'en haut», «Le lait des fourmis»... des mots pris d'un spectacle pas éloigné du contexte polico-social algérien actuel. Pas besoin de discours donc. La scénographie simple est tout aussi expressive : un écran, une table basse et une chaise haute... Abdelkader Djeriou a signé le spectacle en reprenant la fameuse citation de Djoubrane Khalil : «Le meilleur hommage qu'on rend à un artiste est de recevoir ce qu'il donne.» «Nous voulions faire un hommage qui sort de l'ordinaire. Benguettaf a laissé un héritage en tant que dramaturge. Je n'ai pas eu la chance de jouer avec lui sur scène. Le challenge était d'être en raccord dans la synchronisation entre mon jeu et la projection vidéo. J'avais quelque peu peur que le public applaudisse au moment où je devais répliquer. Ce n'est pas facile de perdre quelques secondes. J'ai donc essayé d'imposer mon jeu en portant plus haut la voix au moment de la réaction du public», a expliqué Abdelakder Djerriou, qui a choisi Al Ayta pour sa valeur symbolique. «C'est le cri d'un jeune qui n'a pas de visibilité, qui vit au jour le jour, n'a aucune idée sur l'avenir. Cela dit, je reste optimiste», a-t-il affirmé. Abdelkader Djeriou a travaillé avec Abdelghani Mahmoudi du groupe Cassiopée de Sidi Bel Abbès pour la musique du spectacle. «Nous avons voulu rester dans la même ambiance du théâtre chanté des années 1980 en Algérie (...). Nous n'avons pas trouvé d'images de Benguettaf sur internet en quantité suffisante. Il y a un vrai problème d'archives pour le théâtre en Algérie. Sans archives, sans matière, nous ne pouvons pas avancer», a regretté le comédien. La huitième édition du Festival national de Sidi Bel Abbès se déroulera jusqu'au 1er mai prochain, avec la participation de sept troupes en compétition pour une sélection à la prochaine édition du Festival national du théâtre professionnel (FNTP). Le Festival de Sidi Bel Abbès est ouvert aux coopératives et aux associations de théâtre. «Les spectacles choisis doivent répondre à certaines règles. A mon avis, le niveau des spectacles est nettement meilleur que les précédentes éditions d'après ce que nous avions visionné. Les spectacles choisis sont différents les uns des autres. On y retrouve le répertoire universel, les dramaturgies algériennes et arabes, le music-hall, le théâtre de l'absurde, le théâtre poétique ; bref, une réelle multiplication des genres», a relevé Hassan Assous, directeur du théâtre régional de Sidi Bel Abbès et commissaire du festival. Le rêve espagnol de Maya Le monodrame Maya, écrit et mis en scène par Hichem Boussahela et joué par Souad Janati, de la coopérative Mosaïque de Sidi Bel Abbès, n'a pas laissé le jeune public indifférent jeudi soir. Le spectacle aborde une thématique contemporaine : la quête du bonheur, le droit de rêver. Maya est une jeune fille qui vend des makrouts dans la rue et qui fait du baby-sitting pour gagner sa vie. Maya veut traverser la Méditerranée pour l'Espagne. Une fois arrivée à destination après des nuits de froid en mer, elle veut faire du flamenco, chante dans les rues de Barcelone et atterrit à «La Casa d'El Mundo» où elle y est recrutée comme femme de ménage. Maya vit entre souvenirs, douleurs enfouies et songes libérateurs. Elle chante, danse, blague, se moque de son monde... Le jeu de Souad Djenati est physique. Elle saute, danse, chante, semble avoir bien appris les techniques chorégraphiques du flamenco. La scénographie est dynamique. Les rideaux sont utilisés comme des accessoires vivants. Les lumières suggèrent la géographie de l'histoire et la musique soutient le récit. Une petite touche comique rapproche le spectacle du théâtre populaire. On y retrouve, par exemple, la désormais célèbre expression de «fakakir » de Abdelmalek Sellal. Des lourdeurs n'ont malheureusement pas pu être évitées par Hichem Boussahela. Elles sont liées notamment à des répétitions de scène inutiles. Souad Djenati, qui a porté le spectacle sur les épaules, a démontré ses capacités de comédienne qui promet, en jouant son premier monodrame. «Maya est pour moi un voyage mystique. C'est l'histoire d'une Algérienne ambitieuse qui casse toutes les règles, et veut faire de la danse flamenco. Une forme artistique qui n'est pas très loin de nous. J'ai appris l'espagnol pour ce spectacle. Pour réussir un spectacle, il faut fournir de l'effort, aller jusqu'au bout de mes capacités. Ce qui me fatigue ? Le repos !», a souligné Souad Djenati. «Le texte de Maya évolue au gré des publics et des situations. Ce n'est pas un texte statique. Mais ce n'est pas de l'improvisation sur scène. Les petits changements introduits sont étudiés à l'avance. Cela concerne autant le texte que la lumière ou les effets sonores. Donc, c'est un spectacle qui se renouvelle à chaque fois», a noté Hichem Boussahela. «C'est la première fois que j'écris un texte et le mets en scène. Une expérience qui m'a pris plus de six mois de préparation. Souad a beaucoup apporté à la réussite du spectacle», a-t-il souligné. Hichem Boussahela prépare un nouveau monodrame, Mira. Début avril, Maya a raflé six prix au Festival de Bugâa à Omdurman au Soudan. En 2013, Maya a remporté le Grand prix du Festival du théâtre féminin de Annaba.