« A 500 m de l'usine, dans la première station service, le ciment est vendu au double du prix d'usine. J'ai eu à le constater personnellement. Bien entendu, le spéculateur auquel j'ai eu affaire, ignorait mon identité ». Celui qui parle ainsi n'est autre que le directeur de la cimenterie de Béni Saf, Laradji Nadim. Il la dirige au nom du groupe Pharaon, un holding saoudien entré en partenariat avec SCIBS à hauteur de 35% du capital. Pour rappel, le contrat porte sur le transfert des tâches de management de l'usine durant 10 années, ce qui doit se traduire par une obligation de résultats devant faire passer la production de 600 000 t de clinker à 1 million au bout d'une année, le clinker étant la matière première du ciment. Depuis, la production est montée en cadence. A la mi-juin, elle a atteint 365 641 t de clinker, ce qui a fourni 420 000 t de ciment : « Les prévisions sont largement dépassées ! Le débit du four est passé de 2300/2400t/j à 3100t/j de clinker et nous avons constitué un stock de 100 000 t de clinker, ce qui est du jamais vu à Béni Saf. Pour ce qui est des électro-filtres, il y a eu une réduction de 50% des dégagements. Un paysan voisin a recommencé à cultiver son champs, ce qu'il ne pouvait faire depuis des lustres ». Cependant, courant mai et juin, durant 40 jours, un des broyeurs clinker (BK) de l'usine est tombé en panne. La production a chuté et les livraisons ne bénéficiaient plus qu'aux entreprises justifiant d'un marché public au titre du programme présidentiel de construction. La demande augmentant comme à l'accoutumée, dès les premières chaleurs estivales, le prix du sac de ciment chez les revendeurs a dépassé le double de celui sorti d'usine, soit 400 DA contre 190. Et alors que les réparations sur le premier BK étaient en cours, durant les 10 premiers jours de juin, le second BK se fissure. Les livraisons cessent au bout de quelques jours. Et comme les cimenteries d'Algérie tombent en panne bizarrement en été, les suspicions sont allées bon train. Aussi, pour les écarter, le directeur de SCIBS explique que l'usine a 25 ans d'âge et qu'un arrêt était programmé pour septembre. « Malheureusement, la panne est arrivée plus tôt » Et pour se dédouaner de la spéculation sur le ciment, il ne va pas par quatre chemins pour situer les responsabilités. Où est le rôle régulateur de l'Etat ? Il parle de « mains invisibles », une expression qu'il dit emprunter à Karl Marx et qui, traduite en bon algérien, désigne la mafia du ciment. « Nous ne livrions que les entreprises ayant sur papier un projet au titre du PRSE. Or, il s'avère après enquête que certains entrepreneurs se sont transformés en spéculateurs. En effet, en revendant le ciment plutôt qu'en réalisant avec, les projets de construction, ils sont financièrement gagnants, cela quitte à payer des pénalités à l'administration. Alors, je pose la question, où est le rôle régulateur de l'Etat ? Pour notre part, nous adresserons les doubles des quittances de livraison à la DLEP et à l'OPGI de façon à ce que certaines entreprises livrées ne nous accusent plus de ne pas l'avoir fait alors qu'elles ont détourné nos livraisons. De même, nous projetons de mettre en place notre propre réseau de distribution pour avoir un meilleur contrôle du marché. » Concernant les réparations, le premier BK n'a pu être changé puisque, selon Laradji, il faut deux années pour s'en faire livrer un. « Aussi, nous avons acquis une machine inutilisée qui était disponible en Algérie. Nous avons extrait des pièces pour réparer le premier BK et prolonger sa vie opérationnelle. » Depuis le début de semaine, l'usine a repris sa production. Selon son directeur, un investissement de 2 millions de DA va prendre place au niveau du four de façon à ramener la production au niveau précisé par le contrat de partenariat. Et à l'horizon 2008/2009, 25 autres millions d'investissement seront consentis pour une remise à niveau des machines. Pas d'usine de ciment blanc à Béni Saf Le projet d'usine de ciment blanc n'est plus à l'ordre du jour du holding saoudien Pharaon. Son représentant explique : « A Sig, un projet Orascom doit produire 500 000 t de ciment blanc. Or, la consommation algérienne en la matière ne dépasse pas les 300 000 t. Quel intérêt y a-t-il à investir d'autant que les pouvoirs publics n'ont même pas répondu à nos propositions qui ont été les premières à leur avoir été présentées ? »