Et si la solution était le retour de la comédie ? La comédie serait le moyen le plus efficace pour faire revenir le public dans les théâtres. Sidi Bel Abbès de notre envoyé Au 8e Festival culturel de Sidi Bel Abbès, qui s'est déroulé du 26 au 1er mai, deux pièces ont plu au public présent au Théâtre régional de la ville, Al Qardh (Le crédit ), de Tarek Âachba d'après L'ours de Tchekov et Dar al âajab (la maison des miracles) de Ahmed Benkhal d'après un texte de Mohamed Chouat. Les deux pièces, qui relèvent de la comédie de caractère, ont été accompagnées d'applaudissements et de réactions positives du public. Dans El Qardh, un homme à la tenue clownesque vient réclamer une dette chez une veuve éplorée. La dame est servie par un jeune homme aux gestes féminins. Souvent, le personnage gay dans le théâtre algérien fait réagir le public par moquerie. D'où l'opportunisme de certains metteurs en scène qui ont dû mal à se départir du cliché, du prêt-à-penser. Le dialogue entre les trois personnages dans El Qardh est puisé dans un humour populaire vif et sec. «Le chemin le plus court pour atteindre le cœur du spectacteur est la comédie. Il ne s'agit pas de rire seulement, mais d'évoquer nos drames et nos crises d'une manière humouristique, légère», souligne le jeune Tarek Âachba. Il existe, d'après lui, une tendance réelle pour un retour à la comédie dans les spectacles vivants en Algérie. Il cite l'exemple du Festival du rire de Médéa qui prend place de plus en plus dans l'agenda culturel du pays (il est organisé la fin septembre de chaque année). «Il y a, cela dit, un réel problème dans le choix et le traitement des textes. Pour une raison ou une autre, la tragédie a pris le dessus ces dernières années sur les autres formes d'expression scénique. La décennie noire a laissé des traces dans nos créations artistiques et nos visions dramatiques», note Tarek Aâcha, auteur d'un texte comique, Lahrayer.com, pièce mise en scène par Rym Takoucht et produite par le Théâtre régional d'Oum El Bouaghi. Textes noirs Il est favorable au langage simple sur scène et à la diminution du symbolisme. Il est vrai que ces dernières années, plusieurs pièces montrées au public peuvent être classées, voire classifiées, dans ce qu'on peut appeler «le théâtre de l'ennui». Un théâtre visqueux, gras, gorgé de discours, dépourvu d'esthétique, faussement élitiste et bavard. Dar Al âajab est une pièce qui tire sa sève d'un drame social agréablement raconté grâce au jeu dynamique des cinq comédiens, au propos burlesque et à la mise en scène créative. Trois frères et une soeur se disputent l'héritage après la mort d'un autre frère, artiste, emporté par la mélancolie et le mépris. Sa maison devient l'objet de toutes les convoitises. La maison Algérie ? Possible. Le conflit, qui se développe sur scène, est traversé de situations comiques réussies et d'improvisations assez maitrisées. «Je veux présenter au public une pièce avec une fordja pour changer un peu. Nous avons pris l'habitude de mettre en avant la tragédie. A l'origine, le texte n'est pas comique. J'ai voulu en faire une comédie. Le texte de Mohamed Chouat renvoie au vécu actuel de la région arabe avec des frères ennemis en perpetuels litiges», explique Ahmed Benkhal. Selon Mohamed Chouat, Dar al âajab a rencontré un accueil favorable du public lors de la tournée nationale. «Les spectacteurs nous ont dit qu'ils veulent ce genre de théâtre, nous ont dit qu'ils ne veulent plus de tristesse, de larmes. Je pense que le théâtre doit devenir un vrai divertissement, un vrai spectacle. Il est important de revoir le théâtre à la scénographie pesante et à la chorégraphie encombrante. Important aussi de faire attention à l'adaptation des textes pour ne pas leur changer de sens», relève Mohamed Chouat, appelant les metteurs en scène à écouter le public pour savoir ce qu'il veut voir sur les planches. Il cite le célèbre dramaturge marocain Abdelkrim Berrechid, grand défenseur du théâtre-spectacle. Hassan Assous, directeur du théâtre régional de Sidi Bel Abbès et commissaire du festival, plaide pour des pièces débarassées de lourdeurs, articulées sur le jeu de comédien. «Il faut réhabiliter le spectacle. Il y a trop de textes noirs dans notre théâtre actuel. Je gère un théâtre et je sais ce que les gens veulent exactement. Le public réclame la comédie. Jean Concteau a dit : ‘‘L'humour c'est la politesse du désespoir''. L'une des premières pièces dans notre théâtre est une comédie, Djeha de Allalou. Rachid Ksentini nous rappelait Charlie Chapelin. Alloula, Rouiched et Kateb, Hadj Abderrahmane, Hassan Hassani avaient tous mis en valeur l'humour, le rire», soutient Hassan Assous. Théâtre populaire Il cite l'exemple du succès actuel de certains stand up. Laâmri Kaouane ou de Tounès Aït Ali font des seuls en scène assez réussis car construits autour de la comédie, du langage simple, de la satire sociale et du clin d'œil politique. «En ce moment, le public algérien n'a plus envie de venir en salles pour se casser la tête. Un spectacle est fait pour décempresser en fin de journée, se divertir. Aller vers la comédie est un moyen de faire ramener le public au théâtre. Une fois le public acquis, on peut explorer d'autres formes théâtrales comme l'absurde ou la tragédie», note Tounès Aït Ali, en tournée actuellement avec la pièce Dahaliz. La pièce a été jouée dernièrement au Festival arabe du théâtre au Caire. Tounès Aït Ali prépare un nouveau spectacle pour le mois de Ramadhan prochain. Le critique Kamel Bendimerad, qui a présidé le jury du Festival de Sidi Bel Abbès, estime qu'il faut bien cibler les thèmes pour drainer les foules dans les salles. «Il faut que les gens se retrouvent, aient une image d'eux-mêmes, dans ce qu'on peut appeler le théâtre populaire. Les préoccupations sociales doivent être abordées dans les spectacles. Cela dit, faire du théâtre populaire ne signifie pas faire du racolage. Il faut bien définir les choses. Nous sommes un peuple méditerranéen. Il y a donc un tempérament, un naturel, une exubérance qu'il faut restituer sur scène. Nous aimons l'émotion aussi», souligne Kamel Bendimerad