A chaque fois que les voix du dialogue s'élèvent, celles des armes les étouffent pour empêcher toute solution à la crise au nord du Mali. L'attaque meurtrière menée par le MNLA contre des cadres maliens à Kidal, sous l'œil des militaires français, justifie le report de la clôture de l'opération Serval et réduit les chances de réussite du dialogue intermalien qui doit être lancé avant la fin du mois. Trois jours après la violente attaque armée menée par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) lors de la visite du Premier ministre et d'officiels maliens à Kidal, qui a fait une trentaine de morts, la situation reste très tendue au nord du Mali. Elle dénote l'incapacité de Bamako à instaurer son autorité sur une grande partie de son territoire, mais suscite aussi de lourdes interrogations sur la passivité des forces militaires étrangères, notamment françaises, face à la violence armée. En effet, encore sous le choc, l'opinion publique malienne n'arrive toujours pas à comprendre la facilité avec laquelle un groupe du MNLA a pu prendre en otages 32 fonctionnaires et exécuter 36 autres alors que les forces françaises étaient positionnées à quelques encablures seulement. Il aura fallu la médiation de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) pour libérer les otages après un siège meurtrier du gouvernorat de Kidal et imposer un cessez-le feu. L'attaque meurtrière va justifier le report de la clôture de l'opération Serval et probablement la visite du ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, les 25 et 27 mai, au Mali et au Tchad. Quelles que soient les raisons qui ont poussé à l'escalade de la violence, il n'en demeure pas moins que les assaillants ont eu le temps d'agir en toute quiétude sans que les forces françaises ne réagissent, sachant que la principale mission de celles-ci est justement d'empêcher toute violence d'où qu'elle vienne. Jouissant d'un statut particulier auprès de la France, le MNLA est le seul groupe armé de la région ayant refusé de prendre part au dialogue (après avoir participé au débat) initié par l'Algérie à la demande de Bamako, dans la perspective d'une négociation avec les autorités maliennes. L'initiative commençait à faire son chemin, puisqu'elle devait aboutir dans les jours à venir à une rencontre dans la capitale malienne entre toutes les factions. Malheureusement, l'attaque meurtrière de lundi dernier risque de remettre les compteurs à zéro et de bloquer toute chance de règlement de ce conflit fratricide qui obéit à des agendas extrarégionaux. Il est important de préciser qu'en janvier dernier, les quatre mouvements armés du nord du Mali se sont réunis à Alger pour des «consultations exploratrices» ayant abouti à une plateforme axée autour de trois principes fondamentaux : l'intégrité territoriale du Mali, sa laïcité et la stabilité régionale. Seul le MNLA s'est abstenu de signer, après avoir fait des allers-retours en France. Lors de la réunion d'Alger, les ministres des Affaires étrangères des cinq pays du Sahel, à laquelle la Mauritanie a fait défection pour des raisons inexpliquées, le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et l'Algérie se sont mis d'accord pour mettre sur les rails le dialogue intermalien dans un délai de deux mois, dont les premières réunions devaient être organisées dans un mois, c'est-à-dire avant le 24 mai. Est-ce pour empêcher un tel processus que l'attaque du MNLA a eu lieu lundi dernier ? Force est de constater qu'à chaque fois que les portes du dialogue s'ouvrent pour régler la crise du Mali, la violence intense qui s'ensuit ne laisse entendre que les bruits de bottes de soldats étrangers. Aujourd'hui, il est difficile de croire le ministre de la Défense français, lorsqu'il dit que l'Algérie «peut jouer un rôle important» dans la résolution de la crise au Mali, sachant que toutes les initiatives allant dans ce sens ont échoué en raison des interférences de son pays et des coups fourrés à travers tantôt le MNLA, tantôt le Maroc. Dans sa déclaration à l'APS, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il commence par condamner l'attaque «injustifiable» contre les cadres maliens à Kidal dans des circonstances, dit-il, qui «nécessitent d'être clarifiées conformément aux lois en vigueur».Veut-il insinuer que les auteurs, toujours en liberté, risquent des poursuites judiciaires ? Nous n'en savons rien. Ce qui est certain, c'est qu'à travers cette déclaration, l'Algérie, qui suit «avec attention et préoccupation ce qui se passe à Kidal», vient d'adresser un message de colère au MNLA, mais aussi à ceux qui le couvrent ; elle appelle «à l'apaisement et à la retenue» et exhorte «tous les acteurs à éviter tout acte de nature à alimenter l'escalade de la tension et de la violence», précisant plus loin sa disponibilité poursuivre sa «contribution à la réalisation des objectifs d'une phase qualitative nouvelle dans l'histoire de ce pays frère et voisin» et «entend, comme convenu, donner rapidement une impulsion au processus de consultations entre mouvements maliens en préparation pour le lancement du dialogue intermalien inclusif sur le sol malien». Mais est-il possible qu'après la tuerie de Kidal, les portes du dialogue soient aussi facilement ouvertes sachant que l'opinion publique malienne, choquée par la sauvagerie avec laquelle l'attaque a été menée, est devenue réfractaire à toute négociation avec le MNLA ? En menant une telle action, ce mouvement avait-il les assurances d'une quelconque impunité de la part de ceux qui avaient pour mission de préserver la paix dans les territoires dits libérés des groupes terroristes ? Autant de questions dont les réponses lèveront certainement le voile sur les enjeux extrarégionaux de la crise au nord du Mali.