Bamako a toujours du mal à rétablir la paix dans le pays. Le nord du Mali vient de renouer avec le langage des armes. Des affrontements ont opposés, samedi dernier, l'armée malienne à des combattants de groupes armés. Les combats meurtriers qui ont eu lieu à Kidal (près de 1 500 km au nord-est de Bamako), fief du Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla), ont fait 36 morts, dont huit militaires, et une trentaine d'otages, selon Bamako. La rébellion touareg a, elle, revendiqué «une dizaine de soldats maliens morts» et «30 prisonniers dont deux blessés» remis à la Croix-Rouge. Ecourtant une tournée dans le nord du pays qui devait se poursuivre jusqu'à hier et qu'il a interrompu à Gao, où il était arrivé dimanche dernier, après une visite à Kidal et Tombouctou, le Premier ministre malien, Moussa Mara, a déclaré qu'en recourant à la violence armée contre l'armée malienne, «les terroristes ont déclaré la guerre au Mali, le Mali est donc en guerre contre ces terroristes». Après avoir rencontré le président Ibrahim Boubacar Keïta à Bamako, où il était revenu dimanche, M. Mara indiquera que le gouvernorat de Kidal a été attaqué «par une coalition de forces» comprenant «des djihadistes, des terroristes». Bamako soutient qu'il y a collusion entre les terroristes et les rebelles touareg du Mnla qui auraient bénéficié de renforts «des groupes terroristes», sans toutefois identifier clairement ces derniers. Une telle affirmation est de nature à affaiblir politiquement la rébellion touareg. S'il est établi que le Mnla fait front avec les groupes terroristes armés, il sera considéré comme l'ennemi à abattre, pas par le Mali seulement mais par tous les pays engagés dans la lutte contre le terrorisme. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays) comme l'Union africaine (UA), même si elles ne font pas grand-chose pour mettre un terme à la violence et l'instabilité au Mali, ont ainsi condamné les actes de violences à Kidal. Le département d'Etat américain a également réagi aux combats meurtriers à Kidal et a appelé à la libération «immédiate» des otages. «Nous exhortons toutes les parties en présence à s'abstenir de violence et de tout acte mettant en péril des civils», a ajouté le département d'Etat. En fait, le Mnla n'est pas maître du jeu sur le terrain et est obligé de composer avec les extrémismes religieux armés liés à Al-Qaïda qui se sont repliés vers le nord du pays après avoir été chassés des grandes villes du Nord par les forces armées de l'opération Serval, l'intervention militaire internationale lancée par la France. Cette concentration d'armes dans la région a fait de Kidal une ville-refuge des groupes armés et sur laquelle l'Etat malien n'a aucune autorité réelle. Cette situation qui s'apparente à une scission d'une partie du territoire, n'est évidemment pas faite pour plaire aux Maliens qui critiquent ouvertement l'opération Serval, la Mission de l'ONU pour le Mali (Minusma) et la France. Ces deux dernières sont même accusées d'être conciliantes avec le Mnla alors que ce mouvement s'allie avec des groupes terroristes que le monde entier condamne. Au-delà des accusations et des suspicions, ce qui est avéré est la détérioration de la situation dans le Nord-Mali qui impacte tout le pays et retardera le retour à la normale. En effet, l'explosion de violence à Kidal a fait voler en éclat le fragile processus de paix initié le 18 juin 2013 avec l'accord de Ouagadougou qui avait ouvert des perspectives pour un retour à la paix et la stabilité dans la région. Le gouvernement de transition, le Mnla et le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (Hcua) s'étaient engagés à la faveur de cet accord à respecter tout ce qui garantira l'unité, l'intégrité et la sécurité du Mali et des Maliens, sans exclusive ni discrimination de quelque nature que ce soit. Le Mnla a bien reculé après la signature et cédé le contrôle de Kidal. Mais l'accord ne résistera pas longtemps à la réalité du terrain qui sera faite de provocations réciproques, voire d'accrochages meurtriers, entre autorités et rebelles touareg. Aujourd'hui, alors que les débats sont engagés pour la reconstruction du Mali et que les premières actions sont lancées, le nord du pays vient de s'embraser menaçant de replonger tout le territoire malien dans l'instabilité qui a failli le déstabiliser et l'emporter, et par ricochet toute la région du Sahel, l'effet domino étant une conséquence plus que probable dans une région fragilisée par une économie en panne et où la stabilité et la sécurité sont plus que précaires. Tous les ingrédients d'une explosion sont réunis, et il suffit d'une étincelle. Aussi, autorités et rébellion devraient-elles trouver le plus urgemment un terrain d'entente qui leur permettrait d'œuvrer au rétablissement de la paix et de la sécurité sans devoir faire appel à des forces étrangères. H. G