Le projet de musée relatif à l'histoire entre la France et l'Algérie avait évolué positivement. Le nouveau maire de Montpellier veut le suspendre. Décision qui a soulevé un vaste mouvement d'opposition animé par des personnalités et des universitaires de renom des deux pays. L décision de Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de la Communauté d'agglomération, de surseoir à la réalisation du musée sur l'histoire de la France et de l'Algérie, a suscité ces derniers jours des remous et une levée de protestations. D'autant plus que l'élu annonce qu'il le remplacerait par un centre d'art contemporain. Une lettre ouverte des membres du Conseil scientifique du musée lui a été adressée : «Français et Algériens de toutes professions, femmes et hommes de tous horizons, nous tenons à ce projet inventif de coopération entre Nord et Sud de la Méditerranée, qui contribue au rayonnement de Montpellier et s'inscrit dans la tradition humaniste de son université.» Cette intervention nous rappelle, a contrario, qu'il y a quelques années le projet porté par le défunt maire de Montpellier, Georges Frêche, avait été vilipendé, car il prenait appui sur une orientation clairement «nostalgérique» du musée qui devait promouvoir largement le bien-fondé de la présence française dans son ancienne colonie. Beaucoup d'intervenants avaient alors critiqué cette vision. Or, depuis la mort de M. Frêche, l'idée du musée avait évolué, passant de Musée de la France en Algérie à la dimension d'un partage assumé, avec l'intitulé actuel : Musée sur l'histoire de la France et de l'Algérie. Hélas ! peu de communications avaient été faites. Cette progression vers un lieu ouvert sur les deux rives de la Méditerranée avait insuffisamment été amplifiée, à tel point que l'on pouvait ignorer que le musée était désormais beaucoup plus consensuel, contrariant de fait certains milieux passéistes. Un projet porté par des spécialistes des deux pays Les signataires de la lettre ouverte doublée d'une pétition regrettent à présent l'interruption de «manière abrupte et improvisée» du projet à un an de son aboutissement. Une mesure prise «sans dresser un bilan du projet avec l'équipe qui le menait avec dynamisme depuis trois ans, et sans concertation avec le Conseil scientifique du musée, composé de chercheurs qui s'étaient mobilisés pour soutenir sa réorientation». Une «réorientation» qu'ils résument : «Le projet est porté par une collaboration sincère, libre et indépendante entre spécialistes des deux pays. Il traite sereinement de sujets souvent instrumentalisés par des polémiques politiciennes ; il veille au respect de tous les vécus et répond aux plus hautes exigences scientifiques.» Les pétitionnaires parlent de gâchis : «Tout un travail pour élargir la problématique initiale, limitée à un cadre mémoriel étroit, et lui donner une ampleur susceptible de toucher toutes les mémoires associées à l'histoire des relations entre l'Algérie et la France.» L'abandon serait aussi un «gâchis financier : 15 millions d'euros sur les 22 budgétisés ont déjà été engagés». Enfin, le gouffre serait politique: «Le fait pour Montpellier d'accueillir un musée consacré aux relations avec l'autre rive ne peut que renforcer son positionnement méditerranéen. Il sert aussi la politique de coopération transnationale de la ville, qui a pris l'initiative il y a quelques années d'un jumelage exemplaire avec Tlemcen. Surtout, cet ambitieux projet peut participer utilement à l'échelle nationale à un processus de réconciliation franco-algérien qui est aujourd'hui bien engagé. Que Montpellier y figure au premier plan est évidemment profitable à la ville.» Ce musée, note la pétition, est animé «par des scientifiques des deux pays, aborde de façon novatrice une histoire conflictuelle afin d'aider les jeunes générations à construire autrement l'avenir». Parmi les signataires, dont la liste s'allonge très vite, figurent des personnalités françaises et algériennes du monde universitaire, parmi lesquelles Omar Carlier, professeur émérite des universités, Ahmed Djebbar, ancien ministre, professeur émérite des universités, Marc Ferro, historien, Nadjet Khadda, professeure à l'université d'Alger, Ahmed Mahiou, directeur de recherche émérite au CNRS, Georges Morin, inspecteur général honoraire de l'éducation nationale, Benjamin Stora, professeur des universités, Sylvie Thénault, directrice de recherche au CNRS.