Tendre la main aux malades, mettre ses compétences au service de son engagement, telle est la mission des bénévoles qui s'investissent sans restriction pour apporter leur soutien. De nombreuses approches théoriques et plusieurs concepts sociologiques ont soulevé la problématique du bénévolat. Emile Durkheim, Richard Titmuss et Robert Putnam, références mondiales en sociologie, ont traité ces phénomènes sociaux dont les associations et les identités multiples, entre autres le don, la solidarité, les liens sociaux et les institutions. «Le bénévolat se présente aujourd'hui comme un révélateur d'une société où les solidarités traditionnelles ont changé de manière fondamentale. Les acteurs ne sont plus seulement liés par des liens familiaux ou de voisinage, de travail, de religion commune, mais ‘‘bondissent'' d'une association à une autre», analyse le professeur Dan Ferrand-Bechmann dans son livre Les Bénévoles et leurs associations. Humanitaires, culturelles, sportives ou médicales, les associations sont les nouveaux organismes où le bénévolat se structure. D'après les chiffres officiels, il y aurait plus de 90 000 associations agréées en Algérie. Bien que les objectifs de leur création soient distincts, ces organes sociaux partagent les mêmes principes basés sur l'entraide et le don de soi. Coopératifs, volontaires et menés par la soif de venir en aide à la population la plus fragile, en l'occurrence les malades, beaucoup de bénévoles activent dans des associations médicales. Mais pourquoi s'engagent-ils dans ces organismes à but non lucratif et qu'est-ce qui les motive ? Benkada Houari, doctorant en sociologie de la santé à l'unité de recherche en sciences sociales et santé GRAS Oran, a élaboré plusieurs travaux de recherche sur les questions liées aux associations et au bénévolat. «Mes projets n'avaient pas seulement pour objectif de démontrer le rôle des ces organes dans un milieu associatif hospitalier et leurs missions, mais plutôt leur logique. En d'autres termes, la raison de l'apparition des associations dans le milieu médical», explique M. Benkada. Les associations activant dans le champ médical sont majoritairement créées par les médecins-chefs. Selon le doctorant, ces derniers qui sont principalement des responsables de l'organisation générale et du fonctionnement médical d'un service hospitalier ont permis aux associations de se frayer un chemin et de s'intégrer à l'hôpital. Cependant, pourquoi ces médecins-chefs ont décidé de créer des associations en les installant à l'intérieur même de leurs propres services ? «La décennie noire qu'a connue l'Algérie a eu une retombée sévère sur sa structure économique et sociale. Ainsi, le secteur de la santé a lui-même connu une sérieuse pénurie de matériels médicaux. Devant cette crise, le personnel médical a impulsé cette dynamique de création d'associations afin de répondre aux besoins des malades. Ces organismes ont servi pour les hôpitaux à combler les carences matérielles. Le recours aux associations était donc une solution évidente», explique-t-il. En effet, la décennie sanglante qu'a traversée l'Algérie durant les années 1990 avait terriblement fragilisé le secteur de la santé. D'ailleurs, la majorité des associations d'aide aux malades ont vu le jour ces années-là. Par ailleurs, lorsque les institutions hospitalières ne sont plus capables de répondre aux besoins sociaux de leurs pensionnaires, et lorsque les familles arrivent aux limites de la prise en charge d'un de leurs membres, l'association prend le relais pour apporter son soutien. Il ne fait guère de doute que les bénévoles qui activent dans les diverses associations jouent un rôle prépondérant dans le fonctionnement des ces organismes. Le travail de ces associations est minutieusement accompli par des acteurs très motivés qui se donnent de jour comme de nuit, sans attendre de rémunération. En dehors de leur temps personnel et professionnel, les bénévoles dans le secteur médical s'engagent librement pour mener gracieusement une action au bénéfice des malades. Il est vrai que l'engagement des personnes dans des mouvements associatifs est souvent en accord avec une finalité professionnelle. Le fait de s'appuyer sur les ressources de l'institution associative et de prendre des responsabilités au sein de l'association aide les bénévoles à acquérir des compétences et une reconnaissance sociale. Donc, le bénévolat n'est pas si désintéressé que cela. Cette activité permet aux bienfaisants d'enrichir leurs expériences, de développer des aptitudes et, bien évidemment, d'acquérir des compétences nouvelles. Mais ces avantages ne répondent pas complètement aux motivations de l'engagement au bénévolat. Pour M. Benkada, les bénévoles des associations de santé ont un engagement parfois plus vif et plus important que d'autres pour des raisons souvent personnelles. «Le plus grand nombre des acteurs associatifs dans le secteur médical qui agissent auprès des malades ont une histoire liée à une expérience personnelle de la maladie, ou celle d'un proche» précise-t-il, en ajoutant que c'est grâce à ces personnes — bénévoles — que les associations continuent à agir au profit des malades nécessiteux. En fait, nous pouvons dire que le bénévolat médical n'est pas qu'à ces premiers balbutiements. Dans une société où l'entraide est une culture, le don de soi et la solidarité sociale sont ancrés dans les us. Seulement, c'est le cadre organisationnel qui évolue. Espérons que le nombre des associations médicales évoluera crescendo, brassant encore plus de personnes ayant le sens du sacrifice et du devoir envers leurs concitoyens pauvres ou riches, leur donnant un rayon d'espoir. Car, le secteur de la santé dans le monde et surtout dans le tiers-monde a besoin de ces anges gardiens appelés «bénévoles».