Les consultations menées par le pouvoir pour remanier la Constitution arrivent à terme, l'occasion pour El Watan Week-end de présenter des réformes profondes jugées fondamentales pour le futur du pays en matière de vie politique, société, d'économie et de droit. Vie politique : «L'inscription sur les listes électorales est automatique à la majorité telle que définie par la loi. Le vote à l'ensemble des élections et référendums est obligatoire sous peine d'amendes prévues par loi.» A la dernière présidentielle, le taux d'abstention a atteint 48,3%. Un record qui risque d'être battu à l'avenir tant la société se désintéresse de la vie politique. Cette proposition vise à endiguer la crise de représentativité et à amener les Algériens à se réapproprier leurs droits civiques. «L'Etat garantit la primauté de l'élection sur la nomination. La décision politique revient aux Assemblées élues en dernier recours.» Aujourd'hui, les présidents d'APC sont élus et les walis nommés par décret présidentiel. Or, le président d'APC doit se soumettre au wali pour la plupart des projets qu'il veut lancer. Une anomalie au regard du principe de primauté du politique sur l'administratif. «Une procédure de destitution peut être engagée par référendum à l'encontre du président de la République. Un tel référendum ne peut être organisé que si les trois-quarts du Parlement l'initient, ou par initiative populaire selon les modalités définies par la loi.» Cette modification vise à instaurer un certain équilibre au sein des centres de pouvoir. En effet, le Président «peut décider de la dissolution de l'Assemblée populaire nationale» conformément à l'article 129 de la Constitution. Or, s'il est élu, les députés le sont également et devraient donc disposer du même pouvoir de destitution du Président. Tout comme le peuple, qui est, quant à lui, seule source de décision. «Une proposition de loi déposée par un seul député est recevable si elle est appuyée par une pétition citoyenne. Les seuils démographique et géographique d'une telle pétition sont fixés par la loi.» L'article 119 de la Constitution dispose que pour être recevable, une proposition de loi doit être déposée par au moins 20 députés. L'initiative de la pétition citoyenne conduite par un député vise à redonner au peuple son rôle originel de législateur premier. En hiérarchie des normes, les nombre de citoyens et de wilayas minimums nécessaires sont du ressort de la loi et non de la Constitution. «L'élection du Conseil de la Nation se fait au suffrage universel indirect pour un mandat d'une durée de six ans, parmi et par les membres des Assemblées populaires communales et wilayales. Sa composition est renouvelable par moitié tous les trois ans. Chaque wilaya est représentée par deux élus au Conseil de la Nation.» Aujourd'hui, les membres du Conseil de la Nation sont nommés pour un tiers par le Président. Le reste l'est par suffrage universel indirect. Quant au nombre de conseillers, il est à ce jour égal à la moitié, au plus, des membres de l'Assemblée Populaire Nationale. Alors qu'un nouveau découpage administratif est annoncé, fixer le nombre d'élus de cette instance à deux par wilaya est une mesure de clarification qui permet davantage d'égalité territoriale. Questions de société : «L'arabe et le tamazight sont langues nationales et officielles. L'Etat œuvre de manière égale à leur promotion et à leur développement.» Dans la Constitution, l'arabe est langue officielle alors que tamazight est langue nationale. La différence qui n'est d'ailleurs pas explicitée. Or, comme le stipule le préambule de la loi fondamentale, Amazighité et Arabité sont constitutives de l'identité nationale. La différence de traitement entre les deux langues est obsolète. Certains refusent l'officialisation de tamazight au motif que sa mise en place est difficile. Le Maroc a officialisé cette langue en 2011 sans problèmes particuliers. «L'Islam est la religion de la majorité des Algériens. Il est parti intégrante de l'identité nationale. L'Etat garantit et promeut la liberté de culte.» La liberté de conscience est «inviolable» en vertu de l'article 36 de la Constitution. Seulement, aucune trace de la liberté de culte, ce qui laisse régner un flou autour de ce droit pourtant fondamental. Cette modification, sans nier la place de l'Islam dans la société, vise à enlever la légitimité des lois dites inspirées de la charia, à l'image du code de la famille. «L'égalité hommes-femmes est un principe inviolable de l'Etat. Ce dernier combat toute forme de discrimination basée sur le sexe.» L'article 29 de la Constitution interdit la discrimination «pour cause de sexe.» Pourtant, celles-ci persistent de facto mais aussi de jure. L'autorisation de la polygamie masculine ou les lois sur la succession sont autant de textes qui trahissent le principe d'égalité homme-femme. Règles d'or économiques : «Les revenus issus des hydrocarbures ne peuvent servir à couvrir les dépenses de fonctionnement de l'Etat.» La rente pétrolière est utilisée à des fins politiciennes. La constitutionnalisation d'un tel principe empêcherait que les salaires des fonctionnaires, les budgets des institutions et autres dépenses liées à la marche de l'Etat ne soient financés par les revenus hors hydrocarbures. Conséquence : le gouvernement au pouvoir – quel qu'il soit – serait contraint à la diversification économique, nécessité absolue pour le pays. «L'Etat doit maintenir l'équilibre budgétaire sur une base annuelle. Les collectivités territoriales sont soumises à la même obligation.» La constitutionnalisation d'un principe élémentaire de macroéconomie vise avant tout à forcer le gouvernement en place à la bonne gouvernance sans avoir en permanence recours aux fonds de stabilité de l'Etat ou aux revenus issus des hydrocarbures. Pour les collectivités, en cas de déficit, la différence pourrait être amputée du budget de l'année suivante. «Le budget et les lois de finances rectificatives éventuelles ne peuvent être adoptées que par le Parlement réuni en Congrès.» Une question aussi importante que celle du budget ne peut se passer de l'accord du Parlement, émanation de la souveraineté populaire. Or, dans la Constitution actuelle, en cas de «non-adoption dans le délai imparti, le Président de la République promulgue le projet du Gouvernement par ordonnance» comme le stipule son article 120. Ce nouvel article annulerait donc ce dernier. «Tout organisme, association, parti, syndicat ou entreprise bénéficiant de subventions étatiques est dans l'obligation de rendre publics ses comptes avant le 31 décembre de chaque année.» La transparence économique est au cœur d'une gouvernance efficace. Actuellement, trop peu d'organismes subventionnés par l'Etat – privés ou publics – font état de leurs comptes et de leur gestion. Ainsi, le budget de l'ENTV reste un mystère pour les Algériens. Réformes juridiques : «Tout représentant de l'Etat, du corps administratif ou politique, est tenu à l'exemplarité et au respect de la loi. Tout acte de corruption avéré et prouvé par la justice conduit à sa radiation perpétuelle et à la suspension de son droit d'éligibilité.» Les affaires de corruption sont légion en Algérie. La lutte contre ce fléau doit être constitutionnalisée pour gagner en efficacité et surtout regagner la confiance des Algériens. «Le Tribunal Constitutionnel est la plus haute autorité juridique de l'Etat. Il est composé de neuf membres élus par le Parlement sur proposition du président de la République. La qualité de membre du Tribunal Constitutionnel est incompatible avec l'exercice présent ou passé d'une fonction politique. Le Tribunal Constitutionnel peut être saisi par un groupe de citoyens. Les seuils démographique et géographique sont fixés par la loi.» Le Tribunal Constitutionnel, en tant qu'organe juridique, remplacerait le Conseil Constitutionnel tout en concentrant les compétences du Conseil d'Etat et de la Cour Suprême. Il serait un supra-organe chargé d'assainir la vie juridique et servirait de dernier recours aux citoyens. «Les textes, conventions, traités, déclarations ou accords internationaux et onusiens ratifiés par l'Algérie ont force de loi. La juridiction compétente ne peut aller à l'encontre des réserves émises par l'Etat lors de la ratification.» L'Algérie a ratifié la plupart des textes internationaux en matière de droit. Seulement, ceux-ci ne constituent qu'un engagement de la part de l'Etat, souvent non honorés. Les citoyens, eux, ne peuvent évoquer les traités internationaux auprès d'un tribunal national alors que leur but initial est de protéger l'homme.