C'est une curieuse découverte archéologique que viennent de faire les chercheurs du Centre national de recherche en archéologie (CNRA), affectés à la mosquée Afane de Constantine. C'est aussi une découverte qui a des chances de révéler des trésors (au sens scientifique et historique). En tout cas, cela se lit dans les yeux des chercheuses, Adel Ouafia et Benallal Nacera, visiblement excitées devant les perspectives que peut ouvrir une telle découverte. En effet, les travaux de restauration engagés en faveur de cet édifice datant de l'époque ziride (XIIe siècle) et situé dans la basse Souika, ont permis la découverte, par hasard, d'un nombre important de tombes musulmanes sous le sol de la mosquée. Jusqu'à hier, les archéologues ont trouvé 16 tombes et les ossements de plusieurs personnes, dont des enfants. L'hypothèse d'un charnier récent a vite mobilisé les autorités sécuritaires avant que cette piste ne soit abandonnée, battue en brèche par les arguments des médecins légistes et des archéologues. Ceci dit, le mystère reste entier pour les chercheurs qui sont là devant un cas inédit, sachant que le rite musulman ne conçoit pas l'enterrement des morts dans une mosquée. Mme Adel Ouafia, qui pilote les fouilles, affirme qu'il s'agit bien de tombes musulmanes puisque, dit-elle, elles sont orientées est-ouest et aussi du fait que les morts sont placés sur le côté en décubitus latéral droit avec les jambes légèrement fléchies. Comment expliquer ce cas curieux ? Première hypothèse : cette mosquée, listée parmi les édifices habous abandonnés, aurait été détournée de sa vocation pour servir de lieu d'enterrement. L'hypothèse est appuyée par le contenu d'une lettre adressée par Salah Bey en 1776 à ses services et dans laquelle il critiquait l'état délabré de ces mosquées et ordonnait leur remise en état. Ce décret aurait amené les responsables de l'édifice à cacher dans la précipitation la nécropole. Plusieurs matériaux de l'époque ottomane ont été utilisés, mais aussi des dalles romaines. D'ailleurs, les archéologues ont aussi déterré des chemins couverts de dalles datant de l'époque romaine et qui pourraient renfermer des caniveaux. Une telle éventualité fait jubiler les chercheurs qui espèrent découvrir des trésors d'informations. Il pourrait aussi s'agir d'une nécropole ottomane improvisée lors de l'un des sièges de Constantine. Cette hypothèse pourrait être intéressante pour l'histoire sachant qu'en dépit de plusieurs siècles de domination, aucun cimetière ottoman n'est connu à Constantine. L'équipe de chercheurs continue à décaper et fouiller le site, aidée par les ingénieurs du musée Cirta et du Palais du bey. Les dégâts occasionnés par les nombreuses modifications et l'emploi de matériaux modernes ne facilitent pas la tâche. Ceci dit, l'enjeu en vaut bien la peine si l'on peut en savoir plus sur l'histoire de Constantine.