La place des Martyrs, qui est en plein cœur d'Alger, est devenue depuis un mois l'attraction des archéologues qui ont découvert en cet endroit un vrai trésor enfoui à seulement quelques mètres sous le bitume. Le premier sondage a été effectué, en 2008, pour l'aménagement de la station de métro prévu fin 2009. Lors de cette descente à deux mètres sous terre, un bâti qui remonte à l'époque ottomane a été découvert. Depuis, des négociations ont été entamées avec le ministère des Transports, et ce, dans le but de la sauvegarde et de la préservation du patrimoine. Le ministère de la Culture, le Centre national d'archéologie algérienne (CNRA), l'Office national de l'exploitation des biens culturels, en collaboration avec le Centre national de l'archéologie préventive (Inrap), effectuent de leur côté une recherche minutieuse et approfondie. Deux zones ont été creusées constituant une découverte magistrale pour l'histoire d'Alger. En fait, 95% des archéologues sont Algériens, soit une vingtaine, et huit Français de l'Inrap, qui s'acharnent sur le terrain six jours sur sept, de 7h à 17h, à déterrer une culture ensevelie sous le béton. Néanmoins, les découvertes ne sont pas des moindres : une nécropole contenant cinq tombes, une basilique et d'autres fragments d'objets ménagers. “Nous avons trouvé un quartier artistique de ferronnerie au niveau ottoman, contenant des fours et quelques objets en fer ; il servait sûrement à la fabrication d'armes ou d'ustensiles domestiques et ce, à 2,30 mètres”, a déclaré M. Arifi Lyes, archéologue. Par ailleurs, d'autres découvertes remontent à l'Antiquité romaine. “La basilique est composée de 7 salles séparées par des bases de colonnes d'une mosaïque en forme géométrique, qui a sûrement été habitée dans le temps”, a ajouté M. Arifi. Un atelier pour étudier la céramique et les ossements a été mis en place, afin d'effectuer des recherches approfondies et de situer ces œuvres. “La céramique provient de la période médiévale jusqu'à l'Antiquité ; nous allons l'étudier afin de la dater et lui donner une chronologie historique”, a-t-il ajouté. Une autre merveille fait partie de ce patrimoine : un mur en pierre magnifiquement conservé datant du 1er siècle avant Jésus-Christ. Concernant les archéologues français de l'Inrap, qui ont déjà collaboré avec l'Algérie précisément à Cherchell, pour des fouilles préventives qui consistent en des recherches qui s'effectuent dans un laps de temps bien précis, ils se spécialisent dans la technique, le diagnostic et la méthode. “C'est un honneur de travailler dans une ville antique, on remonte du Romain à l'Ottoman. Voyez ce contraste, nous sommes au milieu de deux mosquées, et on a découvert un lieu de culte chrétien, ce cimetière est une mémoire d'homme”, a déclaré Hervé Petito, archéologue à l'Inrap. Le temps accordé par le ministère des Transports était d'un mois, malgré quelques inconvénients survenus lors du début de la fouille. “Ils nous ont accordé une semaine de plus, car les barrières n'étaient pas encore installées et nous manquions d'engins”, a-t-il dit. Les recherches ont pris fin hier. Commencera la semaine post-fouille, où les chercheurs devront tout noter par écrit et finir leur travail de documentation. Par ailleurs, les rapports seront remis en octobre prochain au ministère de la Culture qui les transmettra aux autres institutions concernées comme le ministère des Transports, qui trouvera sûrement le moyen d'éviter que la ligne du métro ne détruise un patrimoine si rare et l'histoire d'une ville qui devra réécrire son vécu grâce à ce trésor. Hana Menasria