Après avoir touché le fond en vingt ans, l'école a creusé pendant deux autres années ! Suffira-t-il qu'une dame moderne, compétente et de caractère soit à sa tête pour qu'elle amorce sa remontée ? Quelles frontières épistémologiques et idéologiques seront-elles posées à son action ? L'école est l'usine qui produit et reproduit la société et la nation. Elle sert tout le monde quand elle est fondée sur la raison et le savoir scientifique universels ; mais elle détruit tout le monde dans le cas contraire. Le défi du savoir scientifique et technologique doit être relevé. Pour cela, l'esprit de cette école doit être changé. D'un conservatisme étouffant formant à l'esprit mythologique, reproduisant la docilité et l'apologie, l'école doit cultiver l'esprit critique, scientifique, et la liberté de l'esprit autant que celle du corps : ce sont-là les linéaments de la personnalité du citoyen et de la société de demain. La seule façon de former à l'identité est celle qui consiste à l'enraciner dans l'histoire (avoir été) et la géographie avec une projection sur le présent (être) et l'avenir (devenir). C'est en cela que la loi d'orientation de l'éducation 08-04 du 23/01/2008 doit être amendée pour inscrire, en clair, dans les missions de l'école, la nécessité de sortir de l'identitarisme mythologique. L'esprit qui dominera l'école sera celui de la raison : Averroès, Descartes… L'université (al-djâmi'a), sans rire, n'étant pas la femelle de la mosquée (al-djâmi'), l'enseignement religieux se fera à la mosquée, alors que l'école se consacrera aux enseignements de l'histoire des religions comparées, des civilisations. Toute réforme sérieuse devra s'adosser aux syndicats et ne jamais se faire contre eux, car ils contiennent les meilleurs enseignants et les plus sensibles parmi eux au destin de l'école. Elle devra aussi toucher à la réorganisation des instances décentralisées : les directions de l'éducation et leur regroupement en pôles académiques (rectorats) dirigés par les plus compétents. Elle devra toucher aux trois points du triangle pédagogique. Ici, on y rajoutera celui du véhicule linguistique du savoir : 1)- gagner la bataille de la modernisation des programmes/manuels et leurs contenus, en les soumettant à la rigueur d'une ingénierie pédagogique implacable ; 2)- celle de la maîtrise de la langue arabe scolaire et des langues étrangères ; 3)- celle de la formation/recyclage efficace des formateurs et enfin ; 4)- celle du respect du développement neurobiologique de l'enfant et de sa motivation en lui apprenant les notions d'esthétique publique, à réussir grâce à l'effort et non pas grâce au vol (copiage) ou à l'invocation de la magie et des superstitions. Evidemment, le référentiel sera d'ordre scientifique et pédagogique. Les Technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (TICE) et les bibliothèques scolaires et municipales sont aussi d'un apport précieux. Les langages universels (les langues naturelles, la logique mathématique et la philosophie) doivent être en vedettes et enseignés à un âge précoce. La maîtrise des langues étrangères notamment, dans lesquelles se produit l'essentiel de la pensée et du savoir scientifiques et rationnels humains actuellement, est une véritable gageure. Ce sont des spécialistes véritables (non des commissions populistes) qui le feront conformément à l'ingénierie pédagogique nécessaire à chaque matière et de la cohérence de l'ensemble des matières proposées à l'enfant. 45% de réussite au bac cette année ! Mais que vaut le bac militarisé aujourd'hui ? Pour quel résultat dépense-t-on près de 500 milliards annuellement pour des examens du moyen et du secondaire ? Que vaut un master ou un doctorat ?... Pour construire une société fondée sur le mérite et l'effort, il est nécessaire d'abord de prendre au sérieux les classements internationaux humiliants de notre école et faire en sorte que les diplômes, autant que le marché de l'emploi, rétribuent l'effort et le mérite et non pas l'allégeance. Mais il n'y aura aucune réforme de l'école sérieuse sans une réforme sérieuse de l'enseignement supérieur où elle puise ses cadres et les recycle. L'hirondelle, alors, pourra faire le printemps !