On laisse rarement derrière soi ses mythes et ses légendes quand on émigre au Canada. Le mythe de la voiture à vitesse automatique qui ne conviendrait qu'aux femmes et aux personnes à mobilité réduite ou, pire encore, aux mauvais conducteurs, traverse l'Atlantique dans les bagages d'une partie des nouveaux arrivants. Ils rejoignent les 20% des Canadiens possédant des voitures à vitesse manuelle (10% aux Etats-Unis). Mohamed, mécanicien algérien installé à Montréal-Nord depuis plus d'une décennie, connaît bien les mœurs en matière de voitures des émigrés originaires de son pays qui forment la majorité de sa clientèle. «Généralement, la première voiture est manuelle. Je dirais que dans 80% des cas, les Algériens choisissent ce type de véhicule. Mais, au bout de quelques années, surtout si la femme obtient son permis, ils passent à l'automatique. Les gens optent aussi pour la manuelle car, en cas de problème, sa maintenance coûte moins cher que celle de l'automatique», affirme-t-il. D'autres croient aussi que la voiture à vitesse manuelle consommerait moins d'essence et serait, donc, plus économique. Un argument qui ne tient plus la route avec les progrès technologiques des moteurs. Yacine, un Algérien qui vit à Montréal depuis huit ans, a opté pour une manuelle dès son arrivée au Canada. «Par habitude», dit-il. Les premiers temps, il a eu à composer avec les klaxons des automobilistes qui le suivaient pour «une seconde» de retard quand les feux de signalisation passaient au vert. Il a fini par apprendre à s'intégrer dans la circulation sans se départir de sa voiture à vitesse manuelle. Et ce n'est que lorsque sa femme a obtenu son permis qu'il a changé de voiture. Sa femme a appris à conduire sur des voitures automatiques. Djamel, informaticien, a appris à conduire dans une auto-école à Montréal mais a exigé une manuelle. «Je me suis dit qu'il faut que je sache conduire une manuelle car si je pars en vacances en Algérie, je ne voudrais pas avoir l'air con ! En plus, je ne voudrais pas être incapable de conduire les voitures de mes frères», explique-t-il sérieusement ! Ce n'est pas le cas de Fayçal qui ne conduit pas en Algérie car il n'a jamais appris à conduire une manuelle. La voiture manuelle a ses inconditionnels. «Les jeunes d'origine algérienne ou autres préfèrent les voitures manuelles car elles sont plus proches des voitures de sport auxquelles ils sont habitués dans les jeux vidéo. La relation avec la voiture est plus directe. Ils ne sentent pas qu'ils conduisent un jouet. Il y a toujours cette idée que la voiture manuelle est pour le sport et l'automatique, pour les familles et peut-être pour les mauvais conducteurs ; ce qui est faux !», explique Mohamed le mécanicien de Montréal-Nord. Sur les sites d'achat de voitures d'occasion, il est fort probable de tomber sur un propriétaire maghrébin quand la voiture mise en vente est manuelle. Amine Meriem, directeur de publication d'autoalgerie.com, un site algérien spécialisé dans le monde de l'automobile trouve que «les mentalités ont beaucoup changé sur ce point en Algérie. La boîte automatique a bien été adoptée en Algérie même si elle ne s'est pas généralisée. Il restera toujours des réfractaires à la boîte automatique. Mais, d'un côté, les bouchons quotidiens dans les villes poussent de plus en plus de personnes à adopter la boîte automatique, sur des voitures de différentes tailles. Mais aussi le fait que les véhicules Premium et de luxe, sportives comprises, proposent désormais des boîtes automatiques ou robotisées de série». «Je dirai que la boîte automatique est en train d'entrer dans les moeurs des automobilistes algériens», conclut-il. Alors, quelle Algérie essaie de faire vivre l'émigré à 7000 kilomètres loin de sa terre natale? La réelle ou la mythique ?