Depuis 1982, la Coupe du monde n'avait plus atterri entre les mains de joueurs italiens et depuis 1978, la Squadra Azzurra n'avait pas battu l'équipe des Bleus lors d'une compétition officielle. D'où la joie spectaculaire qui s'est emparée hier des Italiens, dans un élan festif contagieux qui a duré jusqu'au petit matin. Car c'est la 4e fois que les Italiens ont le grand privilège de pouvoir caresser le galbe froid et grisant de la Coupe du monde de football. La première fois, c'était en 1934 à Rome, la deuxième en 1938 à Paris, la troisième en 1982 à Madrid et en 2006, à l'Olympiastadion de Berlin. Pourtant depuis 1970, chaque 12 ans, la Squadra Azzurra parvient en finale, sans décrocher à chaque fois le trophée. Les Romains, ceux qui ont réussi à dormir malgré le vacarme assourdissant produit par des Tifosi excités par une victoire inespérée, se sont réveillés en découvrant les murs de leurs quartiers couverts de graffitis. « Madrid 1982. Berlin 2006 » ou encore « Champions du monde. Amnistie tout de suite ». Ces slogans avaient été gravés pendant la nuit par des tagueurs qui semblaient lucides dans leur message, malgré l'ivresse de la fiesta. Car si les Italiens ont eu leur « vendetta » sur les Français comme l'écrit en grand et en rouge le très sérieux Corriere Della Sera, beaucoup parmi les dirigeants sportifs espèrent un effet pacificateur qui pousserait les autorités sportives à passer l'éponge sur le scandale qui secoue le milieu du football, et dont les retombées pourraient être catastrophiques pour 4 prestigieux clubs et non des moindres, à savoir la Juventus, l'AC Milan, la Fiorentina et la Lazio de Rome, qui risquent d'être relégués en deuxième, voire troisième division pour le cas du club de Bianconeri. Il faut dire que même l'entraîneur Lippi, dont le fils est impliqué dans le scandale de fraude sportive, a été encensé par la presse italienne qui demandait, il y a à peine un mois, son départ. Peut-être que la clé de cette transformation miraculeuse réside dans les mots de Gennaro Gattuso qui, sous le coup de l'émotion, a confié, dimanche soir, aux journalistes : « Sans scandale, on n'aurait jamais gagné. » Les médias italiens sont revenus sur l'incident qui a coûté à Zinedine Zidane son expulsion du terrain de football. La Stampa a choisi de commenter ainsi le rôle du joueur Marco Materazzi qui a écopé du coup de tête de Zidane, « Il giorno dell'antieroe » (le jour de l'anti-héros). Dans l'ensemble, les commentateurs des quotidiens et des médias audiovisuels relèvent « le mauvais départ » de Zidane et n'ont pour Materazzi que sympathie. Un journaliste du Corriere Della Sera, sous le titre « La dernière folie du guerrier », fait dire cette phrase, au relent raciste, à l'entraîneur français Alain Lepeu qui a découvert Zidane, alors joueur débutant parmi les cadets de Septèmes-les-Vallons, « mais il était un type chaud. Il fallait le calmer, il s'emportait facilement. Quand j'ai su d'où il venait, j'ai compris pourquoi ». Mais les chroniqueurs sportifs italiens, dans leur majorité, ne se sont pas laissé aller à des jugements trop accablants contre le capitaine des Bleus, se contentant d'exprimer leur regret face à ce que le Corriere Della Sera, qualifie de « une folie gâche l'adieu de Zidane ». Car le geste d'humeur de Zizou a surpris plus d'un et les spécialistes du football italien, bien que n'ignorant pas le passé violent de l'enfant terrible du calcio Marco Materazzi qui, du reste, a le même âge que Zidane, sont restés déconcertés face au moment de folle colère de celui qu'un commentateur italien décrivait ainsi, à la veille de la finale, « Zidane n'est pas un joueur qui joue avec grâce, c'est la grâce qui s'amuse à jouer au football ». Quant au sélectionneur italien Lippi, il s'est dit « désolé pour ce qui s'est passé ». Et d'ajouter : « Vous savez que j'ai toujours eu de l'estime pour Zidane. Avant le match, je lui ai même dit de bien réfléchir avant de décider d'arrêter. Mais s'il vous plaît, qu'on ne vienne pas me dire que Materazzi a simulé. » Mais le mal étant fait, Marco Materazzi, fils d'entraîneur originaire des Pouilles (Sud) et qui a grandi en Sicile, avant d'être recruté par le Perugia qui le céda à l'Inter de Milan, a été dépeint par la presse comme l'anti-Héros, celui qui a donné un coup de pouce à la providence, qui a fait triompher la Squadra Azzurra. Le quotidien La Stampa, qui appartient à la famille Agnelli, patronne du club de la Juvenus dont Zidane a porté le maillot bianconero entre 1996 et 1999, décrit diversement la scène. « Parfois, il faut encaisser aussi, par exemple lors d'une finale de Mondial où les provocations pleuvent. Et celui qui sort n'est pas Materazzi mais Zidane. » La Stampa décrit Materazzi comme un impulsif, un incontrôlable. « Materazzi l'a (Zidane) regardé sortir, de biais, et il était le seul à comprendre vraiment ce que cela signifiait de s'en aller ainsi. En effet, c'est lui qui l'a provoqué. Dans une vie faite de cartons rouges, on apprend quelque chose. »