Plusieurs milliers de manifestants solidaires avec la population de Ghaza, victime du pilonnage de l'armée israélienne, ont bravé l'interdiction de manifester samedi à Paris. Paris (France) De notre correspondante Le rassemblement a dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre. Une quarantaine de personnes ont été interpellées pour «jets de projectiles, violences contre les forces de l'ordre et outrage». 17 policiers et gendarmes ont été blessés, a annoncé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dans un communiqué. M. Cazeneuve a reçu l'appui du chef du gouvernement, Manuel Valls, sur l'interdiction de la manifestation de Paris. Les débordements observés sont «inacceptables», a jugé hier M. Valls, justifiant de nouveau l'interdiction de la manifestation, un choix critiqué par certaines organisations de solidarité avec la Palestine et par une partie de la gauche qui reproche au gouvernement d'être trop favorable à Israël ((lire El Watan du dimanche 20 juillet). La manifestation avait été interdite vendredi par la préfecture de police, évoquant des «risques graves de trouble à l'ordre public» après les heurts du 13 juillet devant deux synagogues, en marge d'un autre rassemblement. Samedi à la mi-journée, le président de la République, François Hollande, avait lancé une dernière mise en garde depuis le Tchad, où il se trouvait en visite officielle, avertissant que «ceux qui veulent à tout prix manifester en prendront la responsabilité». L'interdiction du rassemblement par la préfecture de police n'a pas découragé les manifestants qui voulaient dénoncer les crimes perpétrés à Ghaza par l'armée israélienne. «Nous sommes français, laissez-nous manifester», ont clamé nombre d'entre eux. Leur but était d'alerter la communauté internationale sur le sort des Ghazaouis dans le calme. «Les manifestants ont tous la même version des faits. Le rassemblement se déroulait bien. Les forces de l'ordre ont tiré sans sommation avec leurs flashballs et lancé des grenades lacrymogènes», rapporte le reporter du Monde. Ce dernier a recueilli le témoignage de Karima, qui a filmé toute la manifestation avec son téléphone. Elle raconte : «Ça se passait très bien. Nous n'avons pas trop compris pourquoi il y a eu ces tirs. Des gens ont vomi sous mes yeux. D'autres qui jeûnaient pour le Ramadhan ont dû boire de l'eau pour se soulager. Moi je me suis réfugiée dans un café, seulement une bombe lacrymogène a été tirée à l'entrée. Du coup j'ai dû partir. Je me doutais qu'il y aurait des tensions, mais pas à ce point. Pourtant j'en ai fait, des manifs !»A noter qu'une autre manifestation est prévue mercredi à Paris, place de la République. La politique israélienne intouchable ? Manuel Valls a fustigé hier un «antisémitisme nouveau» qui se cache «derrière la haine de l'Etat d'Israël» et appelé les Juifs de France à avoir confiance en leur pays, au lendemain de débordements à Paris en marge de la manifestation interdite. «A l'antisémitisme historique (...) s'ajoute un antisémitisme d'une forme nouvelle qu'il est hors de question de nier ou de cacher (...), il se répand sur internet (...), il se répand aussi dans nos quartiers populaires auprès d'une jeunesse souvent sans repère, sans conscience de l'histoire et qui cache sa haine du juif derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l'Etat d'Israël», a déclaré M. Valls. «La France ne laissera pas les esprits provocateurs alimenter je ne sais quel conflit entre les communautés», a dit Manuel Valls, appelant à un «sursaut de la société» contre l'antisémitisme. Faut-il comprendre de la déclaration du Premier ministre français que manifester pacifiquement ou critiquer la politique israélienne, l'occupation des territoires palestiniens, les crimes commis contre la population de Ghaza relève de l'antisémitisme et constitue un délit ? Qu'en est-il des valeurs républicaines et du droit à la liberté d'expression et à l'égalité de l'exercice de ce droit ?