D'aucuns diront que la mendicité infantile a pris une telle ampleur à Chelghoum Laïd qu'elle s'en est trouvée presque banalisée. Rares sont ceux qui s'émeuvent à la vue de bambins émaciés et dépenaillés se livrant sur le perron des mosquées au rituel des lamentations pour attendrir les âmes charitables. La détresse et la précarité des petits chérubins, souvent accompagnés (d'aînés ?) et exposés à dessein aux aléas climatiques, sont si saisissantes que de nombreux fidèles succombent à leurs sollicitations pathétiques les gratifiant de quelques piécettes qui s'avèrent au bout du compte assez substantielles. Des polissons entreprenants, secondés par leurs soi-disant parents, n'éprouvent aucune gène à pénétrer dans les restaurants, les débits de boissons et les magasins pour demander l'aumône, en dépit parfois des remarques désobligeantes des propriétaires de ces commerces. Les passants ne sont pas mieux lotis, puisque ces moussaillons, lorsqu'ils ne les accostent pas ou ne leur collent pas carrément aux basques, les implorent en rivalisant de supplications pitoyables, ne lâchant prise qu'en les voyant mettre la main à la poche. Le spectacle troublant d'une fillette en pleurs retenant au sortir d'une mosquée un fidèle par le bas du pantalon se passe de commentaires. Le phénomène de la mendicité infantile, encouragé par un impressionnant flux de mendiants issus des contrées avoisinantes, a pris ces derniers temps, à Chelghoum Laïd, des proportions alarmantes. A tel point que cette formule de mendier allégrement par l'intermédiaire des mômes est devenue, selon un avis largement partagé, un véritable filon d'or.