A Mila, wilaya par définition pauvre, à vocation rurale et où les sérieuses perspectives d'emploi et d'investissements porteurs ne courent pas les rues, la mendicité s'est propagée d'une manière spectaculaire, atteignant ces dernières années des pics alarmants. Le mal est si omniprésent dans le quotidien de la population qu'il est, paradoxalement, en voie d'être quasiment banalisé. Les temps étant ce qu'ils sont, rares sont ceux parmi les fidèles et les bienfaiteurs qui accèdent aux jérémiades et aux lamentations des mendiants s'adonnant au rituel des supplications pathétiques. L'exhibition de l'ordonnance non honorée, la supposée épouse agonisant sur un lit d'hôpital, la ribambelle de gosses allongée à même le parterre et les pleurs insistants ne font plus recette a-t-on constaté. Décadence du temps ou recul des traditions généreuses, peu de personnes s'émeuvent, en effet, à la vue d'enfants s'égosillant à s'en rompre les cordes vocales pour attendrir les âmes charitables et pousser les passants à mettre la main à la poche. Au sortir des mosquées, la mémoire visuelle aura tout le loisir de mesurer l'ampleur de la détresse et de la vulnérabilité de larges couches sociales à travers ces contingents de gamins en bas âge, aux visages émaciés et flottant dans des vêtements en lambeaux, exposant leur misère à tous les vents. L'on continue, peu ou prou, à distribuer l'aumône aux demandeurs méritants en apparence, tels les vieillards, les handicapés, ou les femmes infirmes, mais l'on rechigne à en faire autant envers des mendiants jeunes. Les propos recueillis ici et là, donnent globalement pour de « faux nécessiteux cette faune de quêteurs d'aumône en âge de travailler, mais qui préfère se confiner dans cette situation de tout repos pour amasser de l'argent sans coup férir ». Beaucoup de versions mettent aussi en avant le fait que la mendicité est devenue un créneau lucratif, si bien qu'une nouvelle engeance de pseudo-mendiants, dont le statut social n'est nullement dramatique, voyage d'une localité à l'autre afin de collecter l'aumône là où on ne risque pas de la débusquer. Pourtant, et quoi qu'on en dise, la paupérisation endémique qui sévit à grande échelle à Mila, est une amère réalité.