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«Que les pouvoirs publics élaborent une politique sérieuse de prévention» Pr Abdelkrim Chelghoum. Expert en génie parasismique et président du Club des risques majeurs
Tout en considérant que c'est une activité sismique modérée, le professeur Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique et catastrophes naturelles, relève avec regret l'inexistence en Algérie de salles de veille et de contrôle des catastrophes à l'échelle régionale et nationale. - Un séisme a secoué vendredi matin Alger et ses environs. Quelle explication avez-vous à ce propos ? Tout le nord de l'Algérie est soumis à une faible, modérée ou violente activité sismique. Ce qui s'est passé ce matin (hier vendredi, ndlr) est une secousse sismique qui s'est produite en mer, à 40 km au nord de Aïn Benian, sur une faille secondaire, avec une magnitude de 5,2 sur l'échelle de Richter, selon Newbery (centre de surveillance de catastrophes par satellite, Grande-Bretagne). Ce qui est décevant, c'est que j'ai tenté personnellement de joindre les principaux organismes en charge du système de veille en Algérie, à savoir le Craag et la Protection civile, ils étaient aux abonnés absents. C'est un peu dommage compte tenu des effets vibratoires de cette secousse, qui a suscité de la panique chez beaucoup de familles à Alger, Boumerdès et Tizi Ouzou, qu'il n'y ait pas une institution pour informer, tranquilliser la population. Ceci, à mon avis, est dû à l'inexistence – malgré mes recommandations pourtant portées dans la loi relative aux catastrophes naturelles en 2004, votée par les deux Chambres – de salles d'opération de veille et de contrôle à l'échelle régionale et nationale, comme il en existe partout ailleurs, dans les pays touchés par les catastrophes. - Est-ce une activité sismique normale ? C'est une activité tout à fait normale pour tout le nord de l'Algérie. C'est une secousse modérée. Sa survenance en mer a permis d'amortir et d'atténuer le choc principal. Ce qui a été ressenti en pleine terre était moindre par rapport à l'énergie dégagée à l'épicentre. Je précise que ce sont les premiers chocs qui sont dévastateurs. Les répliques sont généralement de plus faible intensité et ne peuvent pas provoquer de dommages. C'est pour cela que je tiens à tranquilliser les citoyens, ils peuvent rejoindre leurs domiciles. - Y a-t-il des risques du fait que certaines régions du pays, comme Alger, sont à forte séismicité ? Pour définir l'importance de la sismicité d'une région, par exemple Alger, il faut faire une analyse détaillée de la sismicité historique de la région. C'est-à-dire ce qui s'est passé dans cette région à travers les siècles. On s'aperçoit que la région Centre a été secouée par de violents séismes à trois reprises. Le premier, selon une étude fossile, date de 1365 et sa magnitude était de 7,5 sur l'échelle de Richter. Le second a été enregistré en 1672 avec la même magnitude et le dernier de magnitude 7,8 a eu lieu en 1716. En matière de pertes en vies humaines, il faut préciser que ce dernier séisme avait fait 9000 victimes sur une population de 12 000 habitants. Pour Oran, la réglementation actuelle n'est pas correcte, elle est biaisée. Le gouvernement doit la revoir car elle touche à la sécurité nationale. Nul n'ignore que notre pays est confronté à des risques majeurs. Les pouvoirs publics doivent prendre au sérieux la gestion des catastrophes naturelles et élaborer une politique rationnelle de prévention, qui est la seule et unique solution face aux catastrophes naturelles, principalement les séismes. - La vulnérabilité de nombreux bâtiments dans certains quartiers d'Alger pose problème… Vu la vétusté des ouvrages et des bâtiments dont des milliers datent de la période coloniale, il serait naïf de croire que ces infrastructures vont absorber une secousse sismique violente supérieure à 6,8, car elles n'ont jamais été conçues ou calculées pour ce genre de fléau. Il n'y avait pas, à l'époque, assez d'informations sur les plans géologique, géotechnique et géotectonique dans la région. Aujourd'hui, nous avons tous les instruments, les données ainsi que toutes les procédures qui nous permettent d'asseoir une stratégie de prévention à la fois optimale et fiable, donc très sécurisante pour le parc immobilier. Il est grand temps pour les pouvoirs publics de déclencher une opération d'expertise globale de tout le vieux bâti, ce qui permettrait d'aboutir à des solutions de réhabilitation, de renforcement ou de confortement de ces bâtisses, selon les résultats de chaque expertise. C'est une démarche très facile à entreprendre, car nous avons beaucoup d'experts en Algérie. Il suffit qu'il y ait une volonté politique et les moyens financiers adéquats. - L'Algérie dispose-t-elle de moyens pour faire face à des catastrophes de ce type ? Les moyens de faire face à des catastrophes de grande ampleur sont dégagés par le déroulement des plans Orsec régionaux et nationaux qui dépendent directement du gouvernement. C'est au gouvernement de nous informer sur les moyens mis à la disposition de ces plans. Cela relève de sa responsabilité.