Le Syndicat des pilotes d'Air Algérie (SPLA) dit n'avoir jamais vu la compagnie arriver à une telle situation, qu'ils jugent «catastrophique». Les pilotes sont fatigués, car les refus de congés ont atteint des niveaux intolérables avec 14 mois de reliquat pour certains. «Le problème est plus profond et faire sauter quelques fusibles n'apportera rien du tout», souligne le SPLA, ajoutant : «Quelques directeurs passent d'un poste à un autre, forts de leur incompétence avérée et de leur appartenance régionale.» Le crash, le 24 juillet dernier, du vol AH5017 affrété par Air Algérie a été le déclencheur dramatique de ce qu'on peut appeler la grande dérive du pavillon national. Le transporteur aérien national jouissant d'une situation de monopole est entré dans une phase de turbulences liée à un mode de gestion décrié et à des prestations de services des plus médiocres. Le malaise est profond et les pilotes de la compagnie ne le cachent pas ; ils alertent même sur un danger sur la sécurité des passagers. Dans une déclaration rendue publique hier, le SPLA en appelle aux plus hautes autorités du pays afin d'intervenir «pleinement et rapidement dans la gestion d'Air Algérie et d'engager une démarche sérieuse avec les professionnels de l'aviation pour essayer de sauver le pavillon national». Le Syndicat recommande aussi «la plus grande vigilance de l'ensemble des professionnels de l'aviation au sein d'Air Algérie afin d'éviter un drame de plus». Le mot est lâché. Les pilotes sont affirmatifs : la situation est telle qu'il y a lieu de craindre pour la sécurité des usagers de la compagnie. «Aujourd'hui, après un crash très récent, le comportement de certains responsables et le climat de travail qui règne au sein de la compagnie font craindre le pire», assurent les pilotes d'Air Algérie dans leur missive. Et d'ajouter : «La mauvaise gestion et le non-respect du régime de travail des pilotes mettent en danger immédiat la sécurité des passagers.» Les pilotes disent n'avoir jamais vu la compagnie arriver à une telle situation, qu'ils jugent «catastrophique». La crainte du SPLA de voir se reproduire un drame aérien est basée sur différents facteurs, notamment le recrutement de pilotes inexpérimentés. «La direction générale s'entête à recruter des pilotes en self-sponsor, sans le niveau requis (bac+2) avec des formations douteuses. Ceci entraînera forcément une atteinte grave à la sécurité», souligne le communiqué du SPLA, non sans attirer l'attention sur un autre facteur de risque qui est le surmenage dont souffrent les pilotes. «Les pilotes d'Air Algérie sont fatigués. Les refus de congés ont atteint des summums (14 mois de reliquat de congé pour certains) avec un total de plus de 132 ans de reliquats pour l'ensemble des pilotes. Cette situation dure depuis plusieurs années…» Le régionalisme et le clanisme chassent la compétence Commentant les limogeages qui ont touché certains responsables de la compagnie cette semaine, le SPLA estime que ces changements ne sauraient apporter les solutions valables pour sauver Air Algérie de la dérive. «Le problème est plus profond ; faire sauter quelques fusibles n'apportera rien du tout, d'autant qu'il s'agit d'un remaniement : quelques directeurs passent d'un poste à un autre, forts de leur incompétence avérée et de leur appartenance régionale», lâchent les pilotes en dénonçant, encore une fois, un aspect de la gestion de la compagnie déjà signalé et critiqué. Le communiqué du SPLA n'est, pour rappel, pas le premier. Les pilotes ont déjà alerté, dans des communiqués antérieurs, sur les conséquences de la gestion désastreuse de la compagnie. Le 6 janvier 2014, le SPLA avait décliné l'invitation de la direction d'Air Algérie de prendre part à la cérémonie de signature d'achat d'avions. Il l'avait fait savoir via un communiqué de presse, en affirmant que la compagnie nationale aurait d'abord dû réparer les graves écarts soulignés dans un «rapport alarmant de l'auditeur Lufthansa Consulting» sur le pavillon national, notamment les risques sur la sécurité des vols, des problèmes techniques et organisationnels mentionnés dans ledit rapport. Déjà en janvier dernier, le SPLA avait fait état d'«atteintes à la sécurité des vols» restées sans prise en charge malgré de nombreux arrêts de travail observés par les pilotes. Avant cette date, en établissant le bilan de l'exercice 2013 (le 30 décembre 2013), le même Syndicat avait rendu public un communiqué dénonçant la prise en otage de la compagnie Air Algérie par «une poignée de personnes incompétentes et séniles et un ancien responsable syndical à la retraite». Le SPLA avait pointé du doigt «les critères biaisés de régionalisme et de clanisme» qui prévalent dans le choix des nominations à des postes-clés au sein de l'entreprise. «Des personnes de surcroît concernées par des dossiers pour le moins compromettants, ce qui a engendré la marginalisation des compétences qui n'adhèrent pas aux pratiques de ce clan.» Les pilotes estiment qu'une meilleure gestion aurait évité des dépenses inutiles à la compagnie en carburant, en équipages et en aéronefs. Dans son communiqué de décembre 2013, le SPLA avait aussi tiré la sonnette d'alarme quant aux risques sur la sécurité des vols.