Cet été en Méditerranée, les requins se rapprochent des plages. Et s'ils n'étaient pas ceux qu'on croit ? Depuis quelques semaines, des individus pas forcément désirés se sont invités sur les rivages de la Méditerranée. Plusieurs requins ont été aperçus sur les côtes françaises, italiennes et espagnoles, au point que six plages de Catalogne ont dû fermer en juillet. En Algérie, un requin s'est même échoué à Boumerdès le 9 août, attisant à la fois l'excitation et la stupéfaction des plagistes. Aucune attaque n'a été déplorée, mais les apparitions sur nos côtes de ces poissons, pourtant discrets, ont de quoi surprendre. Peut-on cependant parler de recrudescence du nombre d'apparitions de squales à proximité de nos plages ? «A vrai dire, nous nous sommes toujours baignés parmi les requins, affirme Farid Hmida, docteur océanographe à l'Ecole nationale supérieure des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral. Seulement, ils ne se préoccupent pas des hommes et continuent leur chemin.» On a tendance à croire que la présence des requins se limite aux eaux tropicales, mais c'est en réalité une cinquantaine d'espèces différentes qui peuplent la Méditerranée. Bien loin des proportions monstrueuses exhibées par les films à sensations fortes, nombre de ces spécimens possèdent des dimensions plus raisonnables. Chien de mer C'est le cas du chien de mer, la plus petite espèce recensée en Méditerranée avec une longueur moyenne de 30 centimètres, alors que la plus grosse, le requin pèlerin, peut atteindre les mètres ! «N'importe quel requin, même petit, peut être dangereux, note Farid Hmida. Mais ceux présents en Méditerranée ne représentent pas une menace pour l'homme. Seul le requin blanc a vraiment de quoi inquiéter, mais il en existe trop peu pour qu'il soit considéré comme un réel danger.» Les squales apparus dernièrement en Espagne, en France, en Italie et celui retrouvé sur la côte algérienne appartiennent à l'espèce des requins bleus, «absolument inoffensive», assure le professeur Hmida. «Je suppose même que celui qui a été aperçu en Corse, visiblement mal en point, est mort en cours de route et sa carcasse a été déposée par le courant marin sur la plage de Boumerdès.» Les irruptions chroniques des requins ces dernières semaines près des rivages méditerranéens ne seraient donc pas liées à un phénomène climatique. Mythologie «J'admets que ces intrusions ont de quoi surprendre baigneurs et plongeurs, mais elles restent trop peu nombreuses pour signifier un fait durable». Certains éléments peuvent expliquer un rapprochement des poissons cartilagineux et des cétacés vers les côtes. Outre la recherche de nourriture dans des espaces nouveaux, la pollution sonore croissante des mers et océans contribue à les désorienter considérablement. Le développement du transport de marchandises par bateaux, de la prospection d'hydrocarbures en off-shore et de l'usage de sonars à visée militaire endommagent l'ouïe des espèces sous-marine. En résultent des collisions accidentelles avec des navires (à l'origine d'un certain nombre d'échouages), ainsi que des égarements à proximité des rivages. Une véritable mythologie -la plupart du temps erronée- s'est construite autour de ces poissons que l'on accuse surtout d'être d'anthropophages. Or, le rappelle Farid Hamida, l'homme n'est en rien un mets de premier choix pour le requin. «L'être humain ne fait pas partie du régime alimentaire des squales», ces super prédateurs préférant se nourrir de planctons, de crustacés, de mollusques, de poissons et de la viande charnue des mammifères marins. Les rares cas d'attaques d'homme trouvent leur explication par réaction de défense ou mégarde sur la proie. Dans ce cas, le requin mord la victime avant de réaliser que celle-ci n'est pas à son goût, puis la relâche. En revanche, si un squale affamé ne trouve pas autre pitance qu'un être humain, ce dernier aura peu de chances de survivre. «Si vous cessiez de manger durant des jours, vous vous jetteriez sur le premier aliment comestible venu. Pour les requins, c'est la même chose.» Le véritable prédateur n'est en réalité pas celui que l'on croit. Lorsque l'on compare la proportion d'hommes tués par les requins, soit quelques cas dans une décennie, et ceux tués par l'homme, soit 100 millions de spécimens par an, selon l'ONG Sea Shepherd Conservation Society, le calcul se fait rapidement. Malgré les restrictions, la surpêche des requins et le découpage abusif de leurs ailerons (shark finning) constituent une menace sérieuse pour la population mondiale des squales. Et pour tout un écosystème.