Parmi toutes les dates historiques célébrées dans notre pays, la commémoration du Congrès de la Soummam est celle qui constitue un moment précieux de ressourcement pour le simple citoyen comme pour les élites. Les insurrections du peuple algérien ont été nombreuses durant la longue «nuit coloniale». Celle du 1er Novembre 1954 a pu réaliser l'objectif séculaire de l'indépendance grâce à la halte politique de la Soummam, en août 1956, qui a imprimé une dynamique décisive à l'action révolutionnaire et rendu inéluctable la fin de la colonisation. Ce condensé d'intelligence, de stratégie et de vision politique que fut le Congrès de la Soummam a une portée historique qui reste d'actualité et interpelle les jeunes générations. Ces dernières ont plus de mal à appréhender le legs historique de la Soummam, à en saisir l'esprit et assimiler les principes, après avoir subi les effets irréversibles d'un système éducatif basé sur la négation de l'histoire et même de l'identité du peuple algérien. Dans les programmes de l'école bricolés sous la direction d'un régime politique qui s'est imposé par la force dès l'indépendance, en excluant ou en liquidant des figures de la Révolution, on y apprendra qu'il «y a un seul héros, le peuple» et que la guerre de Libération nationale a été plus une guerre sainte qu'un mouvement de réappropriation de la liberté et un prélude à la construction d'un Etat moderne. Le génie rassembleur des organisateurs du Congrès du 20 août 1956, plus précisément de Abane Ramdane, né en 1920 à Larbaâ Nath Irathen et étranglé en 1957 à Tétouan (Maroc), est une leçon d'histoire qui nous apprend que l'idéal de liberté et d'émancipation ne peut être rendu possible sans la contribution de toutes les franges de la population, de toutes les sensibilités politiques. L'architecture révolutionnaire bâtie à Ifri Ouzellaguen lançait le compte à rebours pour la présence coloniale en Algérie. Il y avait une parade à l'action armée, mais pas à une organisation politique qui survécut y compris aux luttes fratricides. Le GPRA succédait au CCE (Comité de coordination et d'exécution), d'où fut isolé Abane qui en était le concepteur. La «vie courte» du principe de la primauté du politique sur le militaire, adopté à la Soummam, sera l'une des causes des désillusions postcoloniales. Ce débat ou ces luttes pour le contrôle du pouvoir continuent de compromettre la longue entreprise de stabilisation des institutions, préalable à celle du développement en faveur des populations, ajournant continuellement l'édification de la «République démocratique et sociale» énoncée en août 1956 par Abane et ses compagnons. La réhabilitation des principes du Congrès de la Soummam n'est pas exclusivement à la charge de la classe dirigeante. L'esprit rassembleur, la conjugaison des efforts en dépassant des divergences secondaires peuvent également être réinventés au sein des porteurs d'alternatives politiques dans le pays.