Fin du calvaire pour les habitants de 23 communes de la wilaya de Béjaïa, après la réouverture, hier à 2h, du barrage d'eau de Tichy-Haf, fermé ces trois dernières journées par des habitants de quatre villages de la commune de Bouhamza, 70 km à l'est du chef-lieu de la wilaya. Un accord a été conclu, lundi après- midi, entre le wali, Ahmed Hamou Touhami, et la coordination des associations des villages concernés, consistant à inscrire, dans le programme sectoriel de ce mois de septembre, le projet de réfection du chemin communal, à l'origine de la colère des protestataires, qui est dans un état de délabrement avancé. Les villageois, qui occupaient les lieux jour et nuit, ont bloqué l'accès au barrage, empêchant ainsi le passage des agents pour ouvrir les vannes. Ainsi, une fois de plus, ce qui relève normalement des droits les plus fondamentaux a été arraché au prix d'un «supplice» enduré par des milliers de citoyens, à la manière de ce qui est d'usage, d'ailleurs, depuis plusieurs années avec les fermetures des routes à tout bout de champ. La pression par la «prise en otages» de citoyens par d'autres a fini par s'ériger en principe pour arracher le moindre droit. Car si, cette fois aussi, les autorités ont réagi si vite et en s'engageant de surcroît à satisfaire les revendications des protestataires, c'est que le moyen de pression utilisé ne leur laissait pas d'autre choix. Plus de la moitié des habitants de la wilaya de Béjaïa, 500 000 âmes, n'ont pas vu pendant trois jours une seule goutte d'eau couler des robinets. Dans la commune de Béjaïa, un mouvement de panique commençait à se remarquer au troisième jour de la fermeture du barrage. Hier matin encore, alors que l'eau ne coulait toujours pas des robinets, les supérettes et autres magasins ont été pris d'assaut par des citoyens qui achetaient autant qu'ils pouvaient de bouteilles d'eau minérale, de peur de voir durer la fermeture des vannes à Tichy-Haf. On pouvait remarquer également des colporteurs pomper de l'eau jusqu'aux étages supérieurs des immeubles, dans des quartiers comme Sidi Ahmed et Iheddaden. Une situation alarmante qui a consterné plus d'un. «Ce n'est pas en privant d'autres citoyens d'eau potable en cette période de chaleur qu'on arrache ses droits, c'est égoïste de leur part», fulmine un sexagénaire résidant à Sidi Ahmed. C'est le même désarroi dans les communes de l'intérieur. «Notre village n'est alimenté que trois fois par mois et avec cette fermeture, notre tour est passé et il faut attendre encore des semaines avant de pouvoir remplir nos réservoirs, est-ce normal ?», se plaint pour sa part un habitant de Taslent, sur les hauteurs de la ville d'Akbou. Côté protestataires, l'action est «légitime». «L'absence des commodités les plus indispensables, à savoir la scolarisation, l'infirmerie, le transport et les magasins d'alimentation générale de base, en raison de cette route impraticable, pousse les villageois à l'exode et au désespoir», est-il écrit dans la déclaration des villageois transmise au wali. «Abandonnée» littéralement par les autorités, cette commune, comme d'autres d'ailleurs, souffre de toutes les affres, et aussi étrange que cela puisse paraître, le barrage d'eau qu'elle porte en son sein ne lui profite pas. «Ce sont nos routes, nos champs et nos arbres qui sont engloutis par les eaux du barrage et nous sommes paradoxalement les premiers à souffrir du manque en eau, alors qu'on projette de pomper même vers les autres wilayas, dans quel monde vivons-nous ?», s'interroge Aït Dib, maire de Bouhamza, qui confie qu'il n'a pu s'entretenir qu'une fois en deux ans et demi d'élection avec le wali, ses demandes d'audience étant toutes restées sans suite.