L'indifférence qu'affichent les pouvoirs publics vis-à-vis des revendications des citoyens pousse à des modes de protestation de plus en plus radicaux. C'est ainsi que des milliers de citoyens de la wilaya de Béjaïa sont privés d'eau potable depuis dimanche en raison de la fermeture des vannes du barrage de Tichy-Haf par des habitants en colère de la commune de Bouhamza. Pour demander la réfection d'une route menant vers quatre villages de cette commune, les protestataires, qui disent «user depuis sept ans de toutes les voies légales pour se faire entendre sur cette question», franchissent un nouveau cap dans le mode de protestation. Dans 23 communes dont celle du chef-lieu de la wilaya, abritant des dizaines de milliers de citoyens, l'eau courante ne coule plus dans les robinets depuis trois jours. Les communes rurales sont celles qui en payent le plus les frais, étant les moins desservies même en situation normale. Au niveau du chef-lieu, les ménages, habitués à l'eau courante quotidiennement, sont pris au piège et contraints à s'approvisionner auprès des colporteurs d'eau. Quoique «légitimes», il y a lieu de se demander si les revendications citoyennes doivent forcément passer par des manières de protester aussi «extrêmes» ? «C'est la seule façon qui nous reste pour que les autorités daignent nous entendre», s'exclame un des protestataires en s'excusant auprès de ceux que pénalise la fermeture du barrage. Du côté des autorités, intervenant hier en urgence sur les ondes de la radio locale, le wali de Béjaïa, Ahmed Hamou Touhami, a déclaré que «c'est criminel de priver des milliers de gens d'eau potable pour revendiquer la réfection d'une route». Et d'ajouter qu'il «est utopique de trouver les budgets nécessaires pour bitumer les 1200 kilomètres de chemins communaux». Ce nouveau moyen de pression «très préjudiciable» intervient alors que des milliers d'autres citoyens pâtissent des fermetures de route intempestives, en particulier des axes routiers principaux. Pas plus tard que la semaine dernière, des habitants d'un village d'Ighzer Amokrane, à 60 km du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa, ont bloqué toute la journée la RN26 pour demander la relaxe d'un des leurs, détenu suite à une plainte du maire. Avant eux, pour rappel, le même axe routier a été fermé simultanément avec la voie ferrée Béjaïa-Beni Mansour, à hauteur d'Allaghane, pendant huit jours consécutifs, par des villageois d'Aftis qui réclamaient des conditions de vie plus décentes. Quoi qu'il en soit, il est clair que ces actions en constante radicalisation expriment un «mal-vivre» profond auquel l'Etat peine à trouver des solutions. Et se contenter de les commander au lieu de les solutionner risque d'envenimer encore plus la situation. A la veille de la rentrée sociale, l'appréhension est grande de ce que réserve comme agitation la prochaine année, vu cette grogne ininterrompue en plein été, saison d'habitude paisible.