L'appel à «l'unité des rangs» adressé hier à Al Qaîda, au Front Nosra et à l'EI par Aqmi et Aqpa, les branches maghrébine et yéménite d'Al Qaîda, laisse présager que l'Irak va devenir le nouvel épicentre du djihadisme mondial. Les membres de la coalition internationale, que le président américain Barack Obama est en train de bâtir pour combattre le Daech (Etat islamique) en Irak et en Syrie, auront certainement du pain sur la planche. Et visiblement pour longtemps. L'appel inattendu à «l'unité des rangs» adressé hier à Al Qaîda, au Front Nosra et à l'EI par Aqmi et Aqpa, les branches maghrébine et yéménite d'Al Qaîda, laisse présager que l'Irak va devenir le nouvel épicentre du djihadisme mondial. L'hypothèse n'est pas tirée par les cheveux puisqu'Aqmi et Aqpa ont, dans un communiqué conjoint mis en ligne hier, exhorté également les musulmans, notamment ceux de la péninsule arabique, à «empêcher leurs soldats de participer à la guerre contre les djihadistes de l'EI» et à se «soulever contre leurs gouvernements». Des gouvernements qui sont qualifiés d'«agents de l'Occident». Il est possible donc de voir très bientôt se reproduire en Irak le scénario afghan. Plus clairement, l'Irak risque durant les prochaines semaines de devenir une sorte de mecque vers laquelle afflueront plus de djihadites. Mais ce scénario reste tributaire bien entendu de l'évolution des rapports entre l'EI et Al Qaîda. Et actuellement, ceux-ci sont exécrables. Sortie médiatique trouble La sortie médiatique d'Aqmi et d'Aqpa est à considérer justement comme une tentative de mettre fin aux différends qui opposent sur le terrain les deux entités. Aqmi et Aqpa insistent d'ailleurs sur la nécessité pour leurs «frères moudjahidine en Irak et au Levant de cesser de s'entretuer et de s'unir contre la campagne de l'Amérique et de sa coalition diabolique (…)». L'allusion est bien sûr faite ici aux divergences entre le groupe EI, qui s'est autonomisé dans le sang d'Al Qaîda et a proclamé un califat sur une partie de l'Irak et de la Syrie et le Front Al Nosra, la branche syrienne d'Al Qaîda, qui est restée fidèle au chef de l'organisation, Ayman Al-Zawahiri. Les deux organisations ont ainsi conseillé aux uns et aux autres de faire de leur «rejet de la mécréance un facteur d'unité». Si Aqmi et Aqpa arrivent à le «réconcilier», le couple Al Qaîda-EI risque, à tout le moins, de donner du fil à retordre à la coalition internationale mise en place par Washington. Pour éviter une telle perspective, le président syrien, Bachar Al Assad — dont les troupes affrontent les deux organisations — a appelé, hier, à faire pression sur les pays qui soutiennent le «terrorisme». Depuis le début du soulèvement populaire contre le régime de Bachar Al Assad en mars 2011, les autorités syriennes accusent notamment des pays du Golfe et la Turquie de soutenir les rebelles syriens et de faciliter leur entrée en Syrie. Le chef de l'Etat syrien redoute que le Qatar profite encore de la situation pour continuer à le déstabiliser en finançant des réseaux de djihadistes. «La lutte contre le terrorisme commence par des pressions sur les pays qui le soutiennent en finançant les groupes terroristes en Syrie et en Irak, et prétendent vouloir lutter contre ce fléau», a dit M. Al Assad à Faleh Al Fayad, conseiller à la sécurité nationale en Irak, qui était en visite à Damas. S'agissant du volet opérationnel de la guerre anti-EI, les Etats-Unis ont déclaré avoir l'intention de viser les «sanctuaires et infrastructures de l'Etat islamique dans le cadre de ses futures frappes». Des frappes qui seront, précise-t-on, intensives. En outre, le Pentagone n'exclut plus d'envoyer certains de ses conseillers militaires au combat pour épauler l'armée irakienne dans son offensive contre les djihadistes, qui contrôlent de larges pans de territoires en Irak et en Syrie voisine. La stratégie du général Martin Dempsey «Si nous en arrivons au point où j'estime que nos conseillers doivent accompagner les troupes irakiennes dans leur offensive contre des cibles de l'Etat islamique, c'est ce que je recommanderai au président Obama», a déclaré le général Martin Dempsey, le plus haut gradé américain lors d'une audition au Sénat. Mais ces missions se feront «au cas par cas», a-t-il ajouté. Le moins que l'on puisse dire est que ces déclarations contrastent avec les assurances répétées de Barack Obama de n'envoyer aucune troupe américaine au combat en Irak, un peu plus de deux ans et demi après le retrait des derniers soldats américains du pays. Les responsables de l'Administration américaine doivent avoir certainement compris sur le tard que leur nouvelle campagne en Irak ne sera pas une balade de santé. Surtout que leurs alliés occidentaux et arabes rechignent fortement à engager aussi des troupes au sol.