De Glasgow à Edimbourg, les Ecossais se sont rendus massivement, hier, dans les bureaux de vote afin de faire le choix décisif pour ou contre leur indépendance. Un scrutin historique qui pourrait conduire à l'éclatement du Royaume-Uni et à la formation d'un nouveau pays en Europe. «L'Ecosse doit-elle être un pays indépendant ?», une question de huit mots à laquelle plus de 4,3 millions d'électeurs âgés de 16 ans et plus, dont 600 000 ont déjà voté par correspondance, ont répondu hier. Quelque 2600 bureaux de vote ont été ouverts à 6h GMT et n'ont fermé qu'à 22h hier soir, pour recevoir les Ecossais appelés aux urnes pour décider du sort d'une alliance qui remonte à 1707. Certaines urnes seront rapatriées par ferry ou par hélicoptère pour accélérer les opérations de dépouillement. A Edimbourg, la capitale, les affiches en faveur du oui surpassaient de très loin en nombre les posters pour le non. Les premiers résultats de ce rendez-vous historique et décisif pour l'avenir de l'Ecosse ne devraient être annoncés que ce matin. Selon les instituts de sondage, une participation massive, de l'ordre de 80%, était attendue. Ainsi, ces derniers ont prédit une courte victoire du camp du non à l'indépendance, après avoir largement mené dans les intentions de vote. Cependant, le camp du oui, dont les partisans ont mené une campagne plus agressive et visible, l'a rattrapé en fin de campagne, mais avec une avance se situant dans la marge d'erreur de 3%. Les rares sondages conduits auprès des Anglais, Gallois et Nord-Irlandais réduits à l'état de spectateurs dégageaient une forte majorité en faveur du non. Jusqu'aux dernières heures avant le début du scrutin, les dirigeants des deux camps ont jeté leurs forces dans la bataille pour tenter de séduire le dernier carré d'indécis. A Glasgow, la ville écossaise la plus grande et la plus peuplée, près de 2000 partisans de l'indépendance ont tenu, mercredi soir, une ultime réunion publique, à deux pas de la place Mandela. «Mes frères, mes sœurs, soyons clairs. Nous sommes à l'aube d'une révolution démocratique et pacifique», s'est enflammé Tommy Sheridan, une figure du socialisme écossais. La foule lui a répondu en chœur : «L'espoir, pas la peur». Pour sa part, Alex Salmond, Premier ministre écossais et leader des indépendantistes, a appelé, dans une lettre solennelle publiée par la presse mercredi dernier : «Cette indépendance faisons-la !» «C'est l'occasion d'une vie, saisissons-la des deux mains», a-t-il insisté sous les cris «Yes we can» d'une foule de ses partisans survoltés lors d'un meeting, tenu mercredi soir à Perth, un burgh royal situé au centre de l'Ecosse. Du côté du maintien de l'union, l'ancien ministre britannique des Finances, Alistair Darling, a répliqué : «Si vous avez le moindre doute, ne le transformez pas en vote pour le oui», à Glasgow. Plus jamais la même La plupart des quotidiens britanniques arboraient hier en Une les deux drapeaux de l'Ecosse et du Royaume-Uni flottant côte à côte. Or, le quotidien des affaires, le Financial Times, hostile comme la majorité de la City à l'indépendance génératrice d'incertitudes économiques, publiait la photo d'un Saltire (drapeau écossais à croix blanche en diagonale sur fond bleu) sur un fond de ciel noir orageux. Si l'Ecosse sort indépendante de ce débat, ce sera la fin d'une identité qui a embrasé le territoire ancré depuis 307 ans à ses voisins du Sud, en vertu d'un acte d'union. Cela pourrait aussi sceller le sort du Premier ministre britannique David Cameron, chef de file du non, qui a qualifié mercredi de «tragédie» le scénario d'une scission. Ce dernier a annoncé par avance «la mort du statu quo». Avec ses alliés libéraux démocrates, membres du gouvernement, et avec le dirigeant de l'opposition travailliste Ed Miliband, il a solennellement promis une autonomie accrue aux Ecossais s'ils renoncent à l'indépendance. En cas de victoire du non, les travaux commenceront dès aujourd'hui en vue de la dévolution de nouveaux pouvoirs fiscaux au Parlement régional de Holyrood. En cas de victoire du oui, trois choix s'offriront à David Cameron, selon les analystes : anticiper les élections générales prévues en mai 2015, remettre sa démission, ou poser la question de confiance au Parlement. Le triomphe des indépendantistes ouvrirait 18 mois d'acrimonieuses négociations entre Londres et Edimbourg, en vue de préparer les contours du nouvel Etat, d'ici la proclamation de l'indépendance, le 24 mars 2016. En revanche, Alex Salmond devrait sortir vainqueur du scrutin quelle que soit son issue. Si le oui l'emporte, il pourra en effet s'ériger en père de l'indépendance. Si c'est le non, il aura obtenu une autonomie accrue. Quant à l'Ecosse, «que ce soit oui ou non, elle ne sera plus jamais la même», pronostique le quotidien écossais The Herald. Le président des Etats-Unis, Barack Obama, quant à lui, est venu mercredi à la rescousse du non. «Le Royaume-Uni est un partenaire extraordinaire pour l'Amérique et une force pour le bien dans un monde instable. J'espère qu'il restera fort, robuste et uni», a-t-il écrit sur Twitter. L'Ecosse, qui représente 8,3% de la population du Royaume-Uni, le tiers de sa superficie et 9,2% de son produit intérieur brut (PIB), s'est retrouvée hier une minorité qui va décider de l'avenir de l'ensemble constitué de l'Angleterre, de l'Ecosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du Nord.