La famille de feu Salah Boubnider a interpellé hier les autorités judiciaires sur l'affaire d'«escroquerie» qui l'oppose à un ancien sénateur, dont le gendre et la fille lui auraient subtilisé des dizaines de millions de dinars. La famille Boubnider dénonce le comportement d'un mis en cause qui, selon elle, semble jouir de l'impunité. La veuve de l'ancien dirigeant de la Révolution, Salah Boubnider, et ses enfants ont lancé hier un véritable cri de cœur en direction des autorités judiciaires. Confrontés depuis près de deux ans à une affaire d'escroquerie, au centre de laquelle se trouveraient un ancien compagnon du défunt, et ex-sénateur, ainsi que sa fille et son gendre, les Boubnider s'interrogent sur les décisions qui, selon eux, ont permis à un des mis en cause de jouir de l'«impunité» au point de venir les «narguer en passant devant la maison familiale avec des voitures de luxe». En fait, dans cette affaire, il n'y a pas que les Boubnider qui sont victimes, puisque, à ce jour, il y a dans le dossier sept plaintes déposées près le tribunal de Chéraga, par des personnalités faisant partie de l'entourage de l'ancien sénateur, pour un préjudice qui dépasserait largement les 700 millions de dinars. «Lors de leur enquête, les gendarmes ont mis en exergue les manœuvres frauduleuses du couple, qui n'aurait jamais pu escroquer les amis du sénateur, n'était le statut de ce dernier, mais également la confiance aveugle que les gens avaient en lui. La magistrate chargée de l'instruction a entendu toutes les victimes et convoqué également les présumés auteurs. Après plusieurs convocations infructueuses, le sénateur et sa fille ont été entendus, mais le gendre a refusé de répondre. Il a adopté la même position lorsque la section de recherche de Bab Ejdid l'a convoqué…», explique Zoubir l'un des enfants Boubnider. Et de préciser : «Nous pensions qu'il n'allait pas oser défier le juge d'instruction.» Pourtant il l'a fait, poussant la magistrate à signer un mandat d'amener, lequel mandat n'a pu être exécuté. Les gendarmes n'ont pas pu mettre la main sur le mis en cause. Entre temps, la juge a inculpé le sénateur et sa fille pour «escroquerie», «émission de chèques sans provision», «faux et usage de faux» et «abus de confiance», tout en les laissant en liberté. Ne pouvant entendre le gendre, sur lequel pèsent de lourds soupçons, la magistrate lance un mandat d'arrêt à son encontre.Le 31 août dernier, les policiers l'arrêtent à l'aéroport d'Alger, à son retour de France. Il passe une nuit à la prison d'El Harrach avant d'être déféré devant le tribunal de Chéraga. Le juge chargé du dossier était alors en congé. Son intérimaire l'auditionne puis décide de le remettre en liberté en le plaçant sous contrôle judiciaire. Selon les Boubnider, le procureur, qui avait requis le mandat de dépôt, a contesté la décision du juge. «Son appel auprès de la chambre d'accusation a été rejeté mercredi dernier. Ce sont des décisions que nous respectons, mais qui nous poussent à nous interroger sur les motivations du magistrat à les prendre. Le mis en cause se sent plus fort que jamais. L'impunité dont il jouit lui permet de faire carrément dans la provocation, puisque depuis quelques jours, il se permet de venir narguer la famille. Il change de véhicules de luxe comme il change de chemises, et il vient faire gronder leurs moteurs devant la maison familiale. Pour nous, il s'agit d'une provocation pure et simple. Son message est clair. Notre affaire ne sera jamais réglée par la justice. Nous ne demandons rien d'autre que justice soit faite et que les auteurs de cette escroquerie soient déférés devant les tribunaux…», réclament les enfants de Boubnider. Leur appel, disent-ils, ne signifie pas une quelconque interférence dans le travail des juges. «Des preuves irréfutables sur l'implication du sénateur, de sa fille et de son gendre, appuyées par le rapport d'enquête de la Gendarmerie nationale sont entre les mains du juge d'instruction, lequel n'arrive toujours pas à prendre les décisions qu'il faut pour qu'il n'y ait pas d'autres victimes. Jusqu'à quand allons-nous attendre notre droit à une justice ?» s'interrogent les Boubnider, avant «d'espérer» que leur appel soit entendu par les autorités judiciaires.