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Pas de vacances pour les pauvres
Publié dans El Watan le 24 - 07 - 2006

Se rendre en Algérie coûte de plus en plus cher. Fautes de moyens, de nombreuses familles se résignent à rester chez elles pendant tout l'été. Pour les privés de vacances, la débrouille devient de mise pour éviter de rester cloîtré chez soi.
Ceux qui ne partent pas en vacances ne prendront même pas le train. Ils resteront sur place. Dans leur cité. Et dans leur pavillon, pour les plus chanceux. Pas spécialement nantis, loin de là. Au fait, les vacances sont soumises à une condition toute simple. La disponibilité de dieu euro. Or il est introuvable quelquefois, surtout quand on est smicard ou vivant d'allocations sociales. Donc, pas de vacances pour les pauvres. Pas chaque année. Hocine se mord les doigts. Il avait tout prévu. Tout, sauf des dépenses imprévues. « Il a fallu que je me rende chez moi, à Tizi Rached, pour l'enterrement d'un proche. Du coup, le budget vacances a fondu comme du beurre en un juillet caniculaire. Tout est déprogrammé. On va se contenter des plages artificielles ici, à Aubervilliers, et quelques descentes à Paris. Il ne faut pas se mentir, les vacances ce n'est pas pour tout le monde », se désole l'ancien manutentionnaire, aujourd'hui arrêté. Avec ses trois enfants, dont un en bas âge, et son épouse, il arrive difficilement à boucler ses fins de mois. Pour lui, et surtout son épouse Rachida, l'Algérie est l'unique destination des vacances. Comme si l'ailleurs n'existait pas, un sacrilège. « On essaie d'économiser pour nous rendre tous les deux ans en Kabylie, chez nous. Cette fois-ci, ce n'est pas possible, et je ne suis même pas sûre qu'on puisse y parvenir l'été prochain », s'irrite Rachida. Et d'énumérer tout ce qu'elle doit emmener « impérativement » avec elle en Algérie à chaque fois qu'elle s'y rend. On comprend vite pourquoi Air Algérie surtaxe les excédents de bagages. Chaque départ ressemble à un déménagement définitif. Tlemcen est loin. Très loin. Boualem n'a pas encore trouvé un moyen de la rapprocher de la région parisienne. De Villepinte, exactement. Dans leur joli pavillon, tout juste restauré, « tout seul », jure l'enfant de Tlemcen, Boualem et sa petite famille se sont permis une folie un jour de soldes. Une piscine à près de 300 euros, 299,90 €. La famille Boualem barbote dans l'eau toute la journée, dans la piscine en plastique dur. Toute la famille est bronzée. « Cela ne vaut pas la corniche oranaise mais l'illusion est parfaite. Pour le décor, difficile de penser à Oran en regardant tous ces hangars à n'en plus finir. On ne se lamente pas. On sait pertinemment qu'on n'aurait pas pu acheter une si grande maison ailleurs. Mais bon, on ne peut rien contre la nostalgie », constate Boualem. Du coup, le pavillon devient le rendez-vous de toute l'Oranie du nord parisien. Barbecue, piscine pour les enfants et éclats de rire. Dommage pour ceux qui n'aiment pas les merguez épicées. L'odeur titille les narines à des centaines de mètres. « J'ai un contact avec les boucheries halal du coin », avoue Boualem. Donc, ce soir merguez pour tout le monde au bon souvenir de l'Oranie. Parce que, la discussion de la soirée, n'est-ce pas le raï est né à Tlemcen. Ou à Oran. A moins que cela ne soit à Tiaret. Il ne faut se fâcher avec personne. Ce sont les vacances. Moins Tlemcen, les rires des parents, la joie des neveux et nièces. Et, bien sûr, les plages oranaises. Les longues nuits à danser le raï sur le littoral.
Le raï est oranais, la bière kabyle
Pas de doute pour Nora, l'année prochaine direction Béjaïa ou San Francisco. Hors de question de rester un été de plus à Saint-Denis. Marre de se cloîtrer toute la journée dans la pénombre de l'appartement. « J'en ai marre de voir mes enfants traîner, attendre impatiemment la rentrée des classes. Avec le RMI, on ne peut rien faire sinon vivoter, mois après mois, sans aucune perspective. Les billets pour l'Algérie sont très chers. Partir aux Etats-Unis revient beaucoup moins cher ! J'irai avec mes enfants chez mon frère à San Francisco. Il a un grand appartement là-bas. Il est prêt à m'accueillir. Je vais économiser d'ici-là », s'enthousiasme Nora. Son mari est plus circonspect. Partir au pays de l'Oncle Sam ne l'enchante pas vraiment. Il préfère aller à Tichy, se dorer au soleil, écouter du raï et siroter une bière. Un été farniente. Il a fait ses calculs. Les billets d'avion sont chers mais une fois sur place à Akbou, tout est presque gratuit. Hébergement et transports. Au prix où coûte l'euro, 1 euro pour 100 DA, le carburant est très accessible. 20 centimes le litre. « Puis, franchement, on s'ennuie très vite aux Etats-Unis. Personne avec qui discuter. Puis, ils sont pour la guerre en Irak et maintenant au Liban. Pas envie d'aller dépenser mon argent chez eux. Mais vraiment pas ! », s'énerve Mourad. Nora s'en veut de ne pas être assez prévoyante. Elle aurait pu inscrire ses enfants dans une classe de vacances, à la montagne cette année. Mais promis, l'année prochaine, elle s'y prendra tôt. Tant pis si son mari ne la suit pas. Mourad sourit. Pour lui, la destination est toute désignée. Ce sera Béjaïa. Encore et encore.


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