Ceux qui doutaient encore des intentions américaines au Proche-Orient en sont à présent édifiés. Le projet américain de « Grand Moyen-Orient » (GMO), visant officiellement à démocratiser les régimes arabes et musulmans, voire à créer un supposé vaste espace démocratique qui irait du Maroc jusqu'au Pakistan, dévoile, avec les conflits qui agitent les pays de la région, les véritables desseins qui se dissimulent derrière l'initiative politique américaine. Les expériences douloureuses de l'Irak et de l'Afghanistan, qui n'ont apporté à leur peuple ni la paix ni la démocratie, ont montré, à l'épreuve du terrain, que l'instauration de la démocratie dans cette région du monde n'est qu'un alibi pour les Américains à l'effet de chasser des régimes trop nationalistes à leur goût et mettre en place des hommes à leur dévotion. La secrétaire d'Etat américaine, Mme Condoleezza Rice, qui s'apprête à effectuer un périple au Proche-Orient, n'a pas trahi un secret en déclarant, à la veille de son départ dans la région, qu'elle percevait dans ce qui se passe actuellement au Liban les premiers contours du projet du GMO. Le manque d'enthousiasme suscité par ce projet dans les pays arabes qui ont plaidé pour une démocratisation progressive qui tienne compte des spécificités locales a poussé les Américains à revoir d'une certaine manière leur copie en recourant aux grands moyens, à la force pour reconfigurer la carte géopolitique et géostratégique du Proche-Orient. Après avoir fait sauter le verrou irakien en mettant en place un régime à la souveraineté limitée, pour ne pas dire sous tutelle américaine, et pris la tête de la confrontation avec le Hamas palestinien qui a servi d'alibi pour affaiblir l'Autorité palestinienne et provoquer le chaos dans les territoires palestiniens, le président Bush cherche, en donnant son onction à l'ouverture d'un nouveau front, au Liban, à forcer la cadence dans cette direction à deux ans de la fin de son mandat. Tout dans la position américaine dans ce conflit indique que c'est Washington qui mène la danse des loups et qui rythme la musique. Les Israéliens ne sont que le bras armé et les sous-traitants politiques des Américains et de leur projet de Grand Moyen-Orient. Le président Bush, qui ne peut pas s'enorgueillir de laisser pour la postérité un bilan de son mandat, réalise, à quelques encablures de sa fin de règne, que le temps lui est compté et qu'il doit faire vite pour achever le travail qu'il a commencé en Irak et en Afghanistan en « pacifiant » le Liban. Et le plus court chemin pour concrétiser cet objectif, c'est la démocratisation non par les urnes, mais par les chars et les bombes. La sécurité d'Israël n'est qu'un élément structurant du projet américain.