L'expérience démocratique de notre pays doit servir d'exemple aux autres Etats, désormais au pied du mur. C'est à partir d'aujourd'hui, et durant trois jours, que doit se tenir le sommet du G8, composé des Etats les plus puissants du monde, avec la présence exceptionnelle de certains Etats spécialement invités dans le cadre de la mise en forme du fameux GMO américain, mais aussi le Nepad. Notre pays, qui se déclare résolument «non concerné» par le plan américain dont l'extension va de Marrakech au Bangladesh, accepte quand même de participer à ce sommet dont les pays membres sont les USA, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Canada, le Japon et la Russie. Notre représentation se fera au plus haut niveau puisque le président Bouteflika est attendu aujourd'hui à Sea Island en compagnie de son chef de la diplomatie et d'une délégation étoffée. Notre pays, très à l'aise face aux puissants de ce monde, présenterait une communication relative à son expérience démocratique, qualifiée d'«unique» et d'«avant-gardiste» dans le monde arabe et musulman. Paniqué par une démarche qui leur est imposée sans qu'ils ne puissent rien y faire, les Etats arabes se défendent avec une touchante maladresse, comme en témoigne le semi-échec de leur sommet de Tunis suivi par le refus de l'Arabie Saoudite, le Koweït, le Maroc, l'Egypte et le Pakistan de donner suite à l'invitation de Bush. Bouteflika, rompu aux manoeuvres diplomatiques les plus délicates, qui a joué un grand rôle dans les quelques avancées constatées au sein de la Ligue arabe en attendant la grande révolution d'Alger lors du 60e anniversaire de cette structure, sera amené à présenter une communication relative à notre expérience démocratique, mais aussi en matière de lutte contre le terrorisme. Pas de paix sans justice Alger, qui donne l'air de jouer sur du velours cette partie tellement serrée pour d'autres Etats très en retard en matière d'ouverture démocratique, ne croit quand même pas «à la démocratie aéroportée». Notre pays estime que «chaque Etat doit se démocratiser à son rythme et avec ses propres ressources, sans la moindre contrainte extérieure», comme cela semble être le cas présentement. Il semble que les démarches diplomatiques algériennes aient été fructueuses en ce sens que les Américains ont revu à la baisse leurs prétentions. Il ne fait aucun doute, en effet, comme l'estiment des sources diplomatiques, que le fait de classer sous le même label le Nord-Africain et une bonne partie de l'Asie revient à chercher à confondre le peuple israélien avec les Arabes et les musulmans, ce qui est totalement proscrit tant que les Palestiniens ne recouvrent pas l'intégralité de leurs droits et de leurs territoires et que la Syrie et le Liban cessent d'être occupés par Tsahal. Les grandes visées stratégiques, pour ne pas dire les non-dits de ce plan étaient précisément cachés dans ce genre de petits vocables qui auraient pu passer inaperçus pour d'autres. Or, aux yeux de nos sources, rompues à ce genre de tractations, «un mot, un seul, peut changer le visage et l'avenir du monde». Les Etats arabes, pour la plupart, très gênés par le GMO US (Grand Moyen-Orient) en sont d'autant plus déroutés qu'ils ont pris connaissance du document préliminaire au mois de février dernier par voie de presse et non diplomatique, ce qui constitue une terrible atteinte à leur souveraineté respective. Washington, dont la poussée impérialiste ne fait de doute pour personne, et qui profite à fond des attentats du 11 septembre, est en train de mener son extension géostratégique à travers le monde. Les guerres d'Afghanistan et d'Irak n'étaient que le prélude au fameux GMO. Un plan tellement «inquiétant», y compris pour les alliés traditionnels des Américains, que les Allemands, pour ne citer qu'eux, ont fait valoir le côté « expansionniste» de cette démarche pour amener les Américains, déjà en train de dire que leur plan était au stade de «brouillon», à réviser l'intitulé pour le dénommer désormais «initiative du Moyen-Orient élargi et de l'Afrique du Nord». Cela étant, il a été convenu, lors du sommet de Tunis, que l'Algérie ne s'exprimera pas au nom des Etats arabes, même si elle donne un son de cloche qui n'est pas loin de rappeler celui de beaucoup de ses voisins. Il en va ainsi, dans le document de référence, qui doit être présenté, relatif à l'expérience pluraliste algérienne. Notre pays soutient que chaque Etat doit aller à son rythme et avec les moyens qui lui sont propres vers le pluralisme démocratique sans qu'il lui soit imposé. De toute façon, la démarche est obligatoire pour tous à la faveur des mutations importantes que vit toute la planète. Ces réformes, qui ne peuvent qu'aller de pair avec la lutte contre le terrorisme, impliquent que l'hégémonie US se fasse moins présente et moins pressante sur les Etats arabes et musulmans puisqu'elles ont grandement favorisé la prolifération des réseaux plus ou moins liés à Al-Qaîda. La mauvaise répartition des richesses, l'injustice sociale et les disparités entre le Nord et le Sud en sont également des terreaux devant obligatoirement être traités convenablement. Ce sont là des thèses que notre pays n'a eu de cesse de défendre, et que Bouteflika compte réitérer devant les chefs d'Etat les plus puissants de ce monde. Jamais de soldats algériens en Irak C'est dans ce cadre, au reste, que s'inscrit la seconde casquette de Bouteflika, un des principaux initiateurs du Nepad, aux côtés des chefs d'Etat du Nigeria et de l'Afrique du Sud. Nous apprenons que les Américains, qui comptent consacrer tout juste 250 millions de dollars à ce projet continental, pour les trois années à venir, avaient carrément l'intention de s'en détourner afin de se consacrer à l'Amérique du Sud. D'où l'absence de Colin Powell à ce sommet, puisqu'il sera présent, lui, à la rencontre des Etats latino-américains en Equateur. Il a fallu déployer un arsenal diplomatique hors du commun, auquel notre pays est loin d'être étranger, pour que Washington revienne sur cette décision et continue de soutenir et de financer le Nepad. L'autre sujet phare du sommet du G8, qui promet pas mal d'étincelles, est bien celui de l'Irak. La rencontre, qui aura lieu en présence du tout nouveau président « irakien », servira à notre pays de développer la vision arabe puis, qu'Alger a été désignée au sein d'une troïka (outre Damas et le Caire) pour présenter la vision arabe. S'il ne fait déjà plus de doute que Bagdad sera de nouveau admise au sein de la Ligue arabe et le retour de la sécurité et de la stabilité une priorité pour tous, notre pays refusera d'envoyer des troupes quelles que soient les circonstances, mais aussi le contenu de la résolution que prendre à ce sujet le Conseil de sécurité de l'ONU, dont notre pays est membre non-permanent. Cette décision, toutefois, ne semble pas faire l'unanimité au sein de la Ligue arabe puisque Amr Moussa, qui s'exprimait hier à partir du Caire, n'avait pas exclu l'idée de l'envoi de troupes arabes pour le maintien de l'ordre en Irak sous l'égide de l'ONU. Bush, qui consacrera ces trois journées d'intenses tractations à de nombreux tête-à-tête, devrait également consacrer une rencontre bilatérale au chef d'Etat algérien dans le but de passer en revue les relations, désormais « importantes » entre les deux pays. Les échanges commerciaux, qui sont de l'ordre de pas moins de quatre milliards de dollars entre Alger et Washington, pourraient être revus à la hausse dans le cadre de nouveaux investissements. Ces derniers, qui sont encore au stade de l'étude, ne toucheront pas seulement le domaine des hydrocarbures. Le retour de la stabilité en Algérie, suivi d'une exceptionnelle embellie financière, a fait découvrir aux Etats riches de la planète toutes les potentialités économiques et commerciales que recèle l'Algérie.