Le juge a émis le souhait d'interroger des témoins de l'affaire. Une demande refusée catégoriquement par les autorités algériennes. L'équipe d'experts qui accompagne les juges français, Marc Trévidic et Nathalie Poux, est composée d'une quinzaine de personnes, révèle le journal français Le Figaro. Alors que le séjour algérois du juge est entouré de la plus grande discrétion, des sources indiquent au journal français que les experts en question sont un magistrat du parquet antiterroriste de Paris, des fonctionnaires de la police judiciaire, des gardes du corps du Service de la protection, un médecin légiste, un anthropologue, un radiologue ainsi qu'un expert en empreintes génétiques. Ces spécialistes assisteront, sous la direction de leurs homologues algériens, à l'exhumation et l'autopsie des têtes des moines de Tibhirine assassinés en mai 1996. Marc Trévidic et ses accompagnateurs séjourneront à Alger jusqu'à samedi prochain. Une réunion aurait eu lieu hier sur le programme de travail, indique la source du Figaro. L'équipe d'experts algériens et français se rendra «tous les matins à l'aube à Tibhirine (…) avant de revenir chaque soir à Alger pour des raisons de sécurité». L'objet de la mission concernera d'abord, selon la même source, l'exhumation des têtes inhumées aux abords du monastère et d'y prélever de l'ADN, afin de s'assurer de l'identité des victimes, puisque, note le même article, le père Armand Veilleux de l'ordre cistercien «avait peiné à reconnaître deux des frères» lors de l'examen des têtes à l'hôpital militaire Aïn Naâdja. «Pour l'heure, la procédure française ne dispose que de clichés des têtes des victimes, photographiées légèrement de profil par les gendarmes de Médéa à l'époque de leur découverte», indique Le Figaro. Ce dernier note que si les experts algériens effectueront leurs propres prélèvements, seul le juge français sera en mesure d'effectuer les comparaisons génétiques puisqu'il dispose d'échantillons d'ADN des parents de chaque moine. Ce sont les autorités algériennes qui mettront à la disposition des experts du matériel d'analyse, dont un scanner 3D, afin de «radiographier les crânes pour déceler d'éventuelles traces suspectes de perforation par balle. Et établir si les décapitations ont été effectuées post ou ante mortem». Outre ces examens scientifiques, le juge français a aussi émis le vœu d'interroger des témoins de l'affaire Tibhirine. Une demande qui a essuyé un refus de la part des autorités algériennes, qui ont consenti à procéder elles-mêmes aux auditions et à en faire parvenir à la justice française les procès-verbaux. Le juge français aurait souhaité interroger «de présumés geôliers qui auraient transporté ou séquestré les prisonniers dans une maison, nommée Dar El Hamra, au lieudit Tala Es Ser, dans la région de Médéa. Ainsi que d'anciens repentis du GIA et certains individus susceptibles d'avoir gravité dans l'entourage de Abdellah, émissaire supposé de l'émir Djamel Zitouni, qui avait remis, le 30 avril 1996 au consulat de France à Alger, une cassette contenant les voix des sept moines». Le juge Trévidic aurait aussi demandé à interroger Amari Saïfi, alias Abderrezak El Para. Les autorités algériennes exigent à leur tour d'auditionner des témoins français. Un juge algérien se rendra en France le 23 octobre afin d'interroger Pierre Le Doaré, chef de poste de la DGSE à Alger entre 1994 et 1996. Ce dernier avait reçu l'émissaire du GIA à l'époque. Le juge algérien auditionnera aussi Jean-Charles Marchiani, ancien officier des Services et ex-préfet du Var. Il avait affirmé à Marc Trévidic «avoir été mandaté par le président français de l'époque, Jacques Chirac, pour négocier une rançon auprès du GIA avant qu'Alain Juppé, alors Premier ministre, ne mette fin à cette opération». Le père Armand Veilleux, procureur général des cisterciens en 1996, s'est félicité de la mission de M. Trévidic en Algérie et estime qu'il ne s'agit que d'«une étape» pour arriver à la vérité. «Nous espérons que les autopsies permettront de retrouver aussi des traces de terre ou de végétaux susceptibles d'indiquer l'endroit où les corps ont été cachés.»