Nouvellement nommé à la tête de la Banque de l'Agriculture et du Développement rural (BADR), le président directeur général Boualem Djebbar aborde dans cet entretien la politique stratégique de la Banque en matière d'octroi des crédits ainsi que sur plusieurs autres aspects liés à la gestion de la BADR. Quelles étaient vos consignes aux cadres de votre banque lors de la dernière conférence tenue en début juillet ? La conférence nationale des cadres a été une occasion pour nous, d'abord pour présenter la politique stratégique de la banque en matière d'octroi de crédits selon, bien évidemment, les orientations des pouvoirs publics. Ensuite, c'est une occasion pour faire le bilan de l'exercice 2006. Comme cela a été également une opportunité pour programmer une conférence sur la responsabilité du banquier de manière générale animée par le président de la commission juridique de l'ABEF. Le but était d'expliquer et de situer la responsabilité du banquier en matière d'octroi de crédits et de l'exécution des différentes opérations de banque. Cela a permis de démystifier pas mal de questions. Le ministre des Finances, qui nous a honorés par sa présence à la clôture des travaux, a donné un message très fort à l'encadrement de la Badr. Nous avons ainsi clarifié la question du repositionnement stratégique. Il faut rappeler à ce sujet que les pouvoirs publics ont demandé à la banque en 2005 de se recentrer sur le financement du secteur de l'agriculture et les activités périphériques. Par rapport à cette question de recentrage stratégique, la question a été posée pour le sort des anciens clients qui ne cadrent pas avec la nouvelle nomenclature des activités. Il faut dire que cela a créé beaucoup d'ambiguïtés chez ces clients. La conférence nationale a été justement l'occasion d'annoncer que la direction générale a décidé de maintenir les anciens clients au sein du portefeuille de la banque. En revanche, la Badr s'abstiendra à l'avenir de prendre de nouveaux clients qui ne cadrent pas avec la nouvelle nomenclature. Mais il faut souligner que les portes de la Badr resteront ouvertes à tous les clients qui sollicitent les services de la banque. Quelles sont les incidences de cette réorientation sur la banque ? En tous les cas, si on doit analyser l'impact du recentrage de l'activité sur l'équilibre de la banque, on fait ressortir les chiffres suivants : le niveau des engagements sur les clients anciens de la Badr qui ne cadrent pas avec la nouvelle nomenclature représente quelque chose comme 15% du portefeuille global de la banque. En matière de ressources, la clientèle hors nomenclature contribue à 10% des ressources et à 4% du produit de la banque. En termes de nombre de clients, la clientèle hors nomenclature représente actuellement à la Badr quelque 2,7%, soit 0,7% de la clientèle globale de la banque. A partir de l'analyse de ces chiffres, nous pouvons dire que l'impact sur les équilibres n'est pas très important. Le ministre de l'Agriculture a imputé les résultats mitigés du PNDA à la réticence des banques. La Badr en tant que gros financeur de l'agriculteur est à ce titre visée directement. Qu'avez-vous à dire sur cette question ? La relation entre la Badr et le ministère de l'Agriculture est régie par une convention. Il est clair que la Badr est partie prenante dans le financement de l'agriculture que ce soit sur financement direct de la banque ou bien dans le cadre du programme national du développement de l'agriculture (PNDA) qui est mené par le ministère de l'Agriculture. Ce dernier est tenu, au titre des clauses contractuelles, de rembourser la banque qui finance des projets inscrits dans le cadre du PNDA. Mais je tiens à souligner qu'à un certain moment, il y a eu des créances au niveau de la banque qui n'ont pas été honorées. Et vu les difficultés de trésorerie de la banque à l'époque, elle ne pouvait pas continuer à préfinancer. La banque a ainsi décidé de geler les préfinancements jusqu'à une date ultérieure. Mais je tiens à dire tout de même que les contacts entre la Badr et le ministère de l'Agriculture et aussi le ministère des Finances sont bien avancés pour régler définitivement le problème des créances. En principe, une solution est préconisée dans les quelques jours qui viennent. Et nous comptons redémarrer les préfinancements juste après. Le dernier rapport de la Banque d'Algérie a relevé une concentration de risque sur le privé. La Badr est-elle concernée ? Il est clair que même au niveau de la Badr, le financement du secteur privé de manière générale représente 80% du portefeuille global de la banque. Sur les 80%, il y a 15% qui concernent l'agriculture et les 65% restants sont entre les grandes entreprises privées, les PME ainsi que le financement de l'ANSEJ. Et à ce niveau-là, il y a eu des orientations qui ont été données, à commencer par l'arrêt des financements aux sociétés qui ont connu des dépassements en matière de règles prudentielles, et ce, de manière à équilibrer le portefeuille. La deuxième orientation qui a été donnée à l'encadrement de la Badr est celle du respect strict des règles prudentielles en matière d'octroi de crédits. Les cadres de la Badr vous ont interpellé lors de la conférence sur leur protection juridique. Quelle a été votre réponse ? Le message qui a été donné aux banquiers est que la meilleure protection pour eux, c'est de se conformer strictement à la réglementation et la procédure interne et à l'orthodoxie bancaire en matière d'octroi de crédits. C'est cela la vraie protection. Une décision d'octroi de crédits est une décision de prise de risque. Seulement, il faut que le risque soit bien mesuré, bien apprécié pour qu'il soit couvert et il faut qu'il soit bien suivi. Y a-t-il un vide juridique en matière de protection des cadres de banques ? Les autorités ont été sensibilisées à ce sujet. La preuve, le code pénal a évolué dans le sens de la dépénalisation de l'acte de gestion. Je pense que cela est une évolution importante de notre juridiction. Il incombe au banquier de se protéger lui-même car la meilleure protection, c'est l'autocontrôle. Les différents scandales qui ont émaillé la place bancaire ont mis à nu les carences du contrôle interne. La Badr a-t-elle pris de nouvelles mesures pour renforcer le contrôle interne ? Le renforcement du contrôle interne représente une des préoccupations majeures de la direction générale. Des mesures ont été déjà prises dans ce sens pour renforcer le contrôle interne et veiller à ce qu'il soit toujours efficient. Le bilan de la Badr vient d'être rendu public. Pouvez-vous nous dire de manière générale qu'est-ce qui ressort en gros ? En matière d'engagements, la Badr continue à occuper une place très respectable sur la place bancaire nationale avec 30% des engagements. Sur les 30%, elle a 40% de financement ANSEJ. Sur le plan des ressources, elle occupe la troisième place avec 20% du total des ressources de marché. Elle reste une banque leader en matière de commerce extérieur. Je pense que le bilan de la banque est, de manière générale, très positif. Seulement, il y a eu des insuffisances, il y a eu aussi des accidents de parcours. Nous essaierons certainement à l'avenir de préserver les intérêts de la banque et tirer les leçons du passé pour corriger les imperfections qui ont émaillé le parcours de la banque. Parlant d'accident de parcours ; l'affaire Tonic Emballage a constitué un coup dur pour la Badr en ce sens qu'elle a mis la banque en difficulté. Peut-on savoir où en est l'affaire aujourd'hui ? Ce dossier est actuellement traité de manière à préserver les intérêts des uns et des autres.