L'Egypte continue de faire des déclarations qui abondent dans le sens des Américains s'agissant du conflit israélo-libanais. « Ceux qui appellent l'Egypte à entrer en guerre pour défendre le Liban ou le Hezbollah ne réalisent pas que le temps des aventures extérieures est fini », a déclaré le président égyptien Hosni Moubarak au journal Al Joumhouriya. Il a estimé qu'un tel scénario reste impossible alors que les 73 millions d'Egyptiens « ont besoin de développement, de services, de travail et d'habitations ». « Ceux qui demandent la guerre maintenant nous ferons perdre tout ça en un clin d'œil », a ajouté le raïs, précisant qu'il n'était pas prêt à « dépenser le budget du peuple pour une guerre (...) qui n'est pas la sienne ». L'Egypte coûte cher aux Etats-Unis. Elle est le deuxième pays bénéficiaire de l'aide économique américaine au monde après Israël. Cette aide, dont une résolution du Sénat américain demande sa fin depuis 1998, est estimée à 1,8 milliard de dollars. Autant dire que l'Egypte n'est pas la mieux placée pour contester l'option de Washington dans ce conflit. Sa participation — sous la pression américaine — aux côtés des deux autres pays, la Jordanie et l'Arabie Saoudite, à la conférence de Rome, mercredi dernier, n'a servi que d'alibi. L'Egypte paie en fait l'indépendance de sa décision politique, la crainte permanente de perdre la stabilité et la sécurité intérieure. Le chef de l'Etat égyptien a de nouveau dénoncé l'aventurisme « non calculé » du Hezbollah. « L'Egypte conseille tout le monde de ne pas se lancer dans des aventures non calculées, sans évaluer leurs conséquences ni leurs retombées sur les peuples », a-t-il dit. Il a mis en garde contre « une catastrophe qui menace toute la région, si la dégradation de la situation se poursuit », et répété qu'une « solution pacifique et politique (...) à la crise actuelle » pourrait intervenir une fois le cessez-le-feu déclaré, selon le journal Akhbar Al Yom. Le président égyptien s'est déclaré, par ailleurs, pessimiste sur les chances d'une sortie de crise au Proche-Orient, estimant que le bout du tunnel n'était pas en vue, dans un entretien publié jeudi sur le site internet du magazine américain Time. « On ne voit pas le bout du tunnel. Cela déclenche une énorme frustration dans toute la région et conduit à l'escalade dont nous sommes témoins aujourd'hui », estime M. Moubarak. « Les opérations militaires (au Liban) ne résoudront pas le problème d'Israël avec le Hezbollah. Un cessez-le-feu immédiat est l'absolue priorité », juge-t-il, en regrettant que la conférence de Rome se soit conclue par un échec. « Le Conseil de sécurité de l'Onu a un rôle à jouer et doit prendre ses responsabilités », ajoute-t-il. Selon M. Moubarak, « la stagnation du processus de paix est au cœur » de la crise au Proche-Orient. « L'escalade actuelle au Liban et à Ghaza constitue simplement le symptôme d'une situation instable chronique au Proche-Orient », estime-t-il. Il regrette qu'« aucun progrès » n'ait été réalisé par rapport aux objectifs de la feuille de route, plan international de paix prévoyant la création d'un Etat palestinien au côté d'Israël. M. Moubarak estime, en outre, que « la Syrie est un important pays arabe dont la stabilité contribue à la stabilité de toute la région ». « Essayer d'isoler la Syrie serait contre-productif », met-il en garde. A propos de l'Iran, il estime que « le problème avec l'Iran se rapporte à son opposition affichée depuis longtemps au processus de paix ». « Cette position a compliqué davantage une situation déjà compliquée dans la région », reconnaît-il. Il souhaite que Téhéran « utilise son influence sur les groupes fondamentalistes et radicaux de la région dans l'intérêt d'un Proche-Orient plus sûr et plus stable ». Le Hezbollah et le Hamas « doivent revoir leurs politiques et leurs tactiques », estime le président égyptien.