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«Les ajustements se feront à l'intérieur du budget de fonctionnement» Zine Barka. Professeur de sciences économiques à l'université de Tlemcen et président de l'Association nationale de finances publiques
Un baril à plus de 100 dollars est nécessaire pour atteindre un équilibre budgétaire. Quelles peuvent être les répercussions pour l'Algérie d'un baril à 85 dollars ou moins ? -L'Algérie comme tous les pays producteurs de pétrole connaît depuis quelques années une baisse des revenus pétroliers dont les recettes budgétaires totales restent dépendantes à hauteur de près 42% pour 2013 en prévision... Toute situation baissière si elle venait à se confirmer et à se durcir obligerait les autorités du pays à envisager des politiques d'austérité. Mais, pour les experts du FMI les marges de manœuvre dont dispose l'Algérie sont grandes et constituent un amortisseur important en cas de choc sur le secteur financier. En effet, les recettes des hydrocarbures ont permis d'accumuler d'importantes réserves de change (plus de 90% du PIB, soit 35 mois d'importations en 2012) et ont alimenté une importante épargne budgétaire dans le Fonds de régulation des recettes qui, en 2012, atteignait 36% du PIB. En plus de ce côté positif, la dette extérieure peut être considérée comme totalement remboursée, son montant n'étant que de 1,5% du PIB en 2013. Mais même avec cette marge, le gouvernement ne peut faire l'économie de la mise en place des politiques générales destinées à assurer la gestion optimale des dépenses publiques. La situation de baisse du prix du baril, si elle venait à se prolonger dans le temps, est de nature à avoir des répercussions sur l'économie dans son ensemble. Le gouvernement serait peut-être amené à revoir la structure des importations. En effet, il y a des importations incompressibles de produits de première nécessité qui ne peuvent souffrir de contingentement ou de réduction drastique sous peine de produire des effets néfastes ressentis par la population et par les entreprises économiques. Il y a, de l'autre côté, toute une série de produits importés et qui peuvent être classés de deuxième nécessité, voire même de produits de luxe. Leur réduction ne saurait avoir un effet négatif sur la population moyenne ou sur l'économie. -En outre, cette situation baissière peut affecter le nouveau programme quinquennal 2015-2019 dont l'esquisse financière a été arrêtée à hauteur de 21 000 milliards de DA. La priorité dans les chantiers risque d'être revue et des enveloppes risquent une réduction. Sur le plan social, il sera de plus en plus difficile au gouvernement de recourir à l'augmentation inconsidérée des salaires, ou à mettre en place la réforme de la grille des salaires. Tous ces éléments sont réels et ne peuvent être éludés par de simples décisions de report ou autres subterfuges dont le gouvernement a l'habitude. La situation interpelle le gouvernement sur la mise en place d'un vrai plan de réforme de la dépense publique, de sa gestion et surtout du contrôle de son exécution. Or, dans la situation actuelle marquée par un manque de clarté dans sa gestion budgétaire et fiscale, il nous est difficile d'entrevoir une quelconque piste de nature à sauver le pays de la dérive financière et de la dilapidation de ses ressources naturelles non renouvelables. -Pourra-t-on voir une révision à la baisse du baril de référence de 37 dollars ? Il est vrai que les dernières lois de finances – 2013 à 2015 – sont basées sur un prix de référence du pétrole à 37 dollars après avoir été à 19 dollars le baril pendant une dizaine d'années. Cette révision est de nature à provoquer une augmentation sensible des recettes budgétaires. Cela semble une situation complètement déconnectée de la réalité. Un prix déterminé par on ne sait quelle méthode, ni quels indicateurs ou variables pris en considération pour la fixation de cette référence. Il y a un manque de clarté et de transparence sur cette question qui est fondamentale dans la construction d'un projet de budget. Si ce chiffre semble contesté par beaucoup d'experts et laisse sceptique, ce sont tous les autres indicateurs (chômage, emploi, inflation) qui en pâtiront et paraîtront peu crédibles du fait de la non-fixation transparente de ce point de départ. Mais, encore une fois, le politique interfère avec la logique économique dans un contexte de rente et voilà que le sujet ne peut être défendu que par les tenants et concepteurs du système qui peuvent accéder à cette «boîte noire». In fine, il s'agit pour l'Algérie de voir au-delà de la situation actuelle de l'évolution du cours du Brent. Le vrai défi est de savoir comment accroître les capacités de la production d'hydrocarbures pour éviter que les recettes ne baissent fortement. quelle est la politique d'exploitation des nouveaux gisements, l'investissement international dans le forage et les découvertes de nouveaux puits de pétrole, les perspectives d'exploitation du gaz de schiste…? sont autant de questions qui méritent un éclairage par les hautes autorités du pays. Répondre à ces quelques questions reviendrait à nous rassurer sur la soutenabilité des dépenses budgétaires et principalement à rendre réaliste le financement des quelque 260 milliards de dollars du programme quinquennal 2015-2019. -Quels sont les secteurs qui pâtiraient en premier de la baisse des cours ? Si la tendance baissière du prix du baril s'accentue ou se prolonge dans le temps, il ne fait pas de doute que le gouvernement devra revoir sa politique de dépenses publiques. Certaines catégories de la population ressentiront les effets négatifs. C'est le cas notamment des bénéficiaires de certaines dépenses de complaisance qui ont été accordées généreusement pour étouffer des situations de révolte ou de mécontentement, maintenir ou acheter «la paix sociale». Même si les effets du «Printemps arabe» s'estompent graduellement, le mécontentement de la population et la demande sociale resteront fortes. Ceci étant, le budget se compose des dépenses de fonctionnement qui assurent la pérennité des fonctions de l'Etat et des dépenses d'équipement ou d'investissement qui ont pour rôle de contribuer à la croissance économique. Là aussi, au milieu de ces dépenses d'investissement, on peut distinguer entre les dépenses d'investissement à fort impact sur la croissance économique, comme les BTP, et les investissements «grandioses» ou de «prestige» qui seront réalisées par le pouvoir. Celles-ci peuvent être révisées ou même annulées ! Je dirais donc que les ajustements se feront plutôt à l'intérieur des dépenses de fonctionnement. Et là, de nouveau, on est en face de deux paliers : des mesures urgentes peuvent être introduites de manière à éviter le gaspillage des deniers publics et qui peuvent avoir des effets rapides ; et d'autres mesures destinées à introduire la notion d'efficacité de fonctionnement du service public. Mais le chantier des réformes budgétaires et fiscales est vaste. Le système fiscal est dominé par la part import ante de la fiscalité pétrolière qui provient de l'exploitation de ressources non renouvelables, et d'une fiscalité fortement biaisée au détriment des agents de l'Etat faisant la part belle aux privés qui, d'ailleurs, se voient accorder des avantages fiscaux démesurés sans beaucoup de contreparties. Ces avantages doivent être revus et redimensionnés. Mais pour réussir ces chantiers, il faudrait une participation inclusive de toutes les catégories socio-professionnelles, des experts chevronnés de la chose publique et des spécialistes de la gestion du secteur public.