Le gouvernement burkinabé, qui prend au sérieux les menaces de l'opposition, a décidé hier de fermer les écoles et les universités durant toute une semaine. Des centaines de milliers de Burkinabés sont descendus dans la rue, hier, pour dénoncer un projet de révision constitutionnelle permettant le maintien au pouvoir du président Blaise Compaoré. Selon l'opposition, la marche organisée à Ouagadougou a rassemblé «un million» de personnes. D'une ampleur historique sur le continent, la manifestation a été marquée par des affrontements en fin de matinée entre manifestants et forces de l'ordre. Sifflets et vuvuzelas constamment à l'oeuvre, les protestataires arboraient des milliers de pancartes hostiles au régime, parmi lesquelles : «Judas, libérez les lieux», «Blaise dégage» ou encore «Article 37 intouchable». Une telle mobilisation populaire pour une manifestation politique est rare en Afrique subsaharienne. L'opposition avait appelé à manifester dans tout le pays contre ce qu'elle appelle un «coup d'Etat constitutionnel» du président Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans. L'Assemblée nationale doit examiner demain jeudi un projet de loi gouvernemental très controversé, visant à réviser l'article 37 de la loi fondamentale pour faire passer de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels. Ce changement permettrait à M. Compaoré, qui devait achever en 2015 son dernier mandat, de concourir à nouveau à l'élection présidentielle. Arrivé au pouvoir en 1987 par un putsch, il terminera l'an prochain son deuxième quinquennat (2005-2015) après avoir effectué deux septennats (1992-2005). L'opposition craint que ce changement constitutionnel, qui ne devrait pas être rétroactif, conduise le chef de l'Etat, déjà élu quatre fois avec des scores soviétiques, à accomplir non pas un mais trois mandats supplémentaires, lui garantissant 15 années de plus au pouvoir et 43 ans de règne au total. Le scénario est en tous cas classique en Afrique. Au Burkina, ce projet suscite l'hostilité de l'opposition, d'une grande partie de la société civile et de nombreux jeunes — plus de 60% des 17 millions d'habitants ont moins de 25 ans et n'ont jamais connu d'autre dirigeant. Si la modification de l'article 37 est évoquée depuis des mois, l'annonce, le 21 octobre, du projet de loi a fait franchir un cap aux contestataires. L'opposition et la société civile qui appelaient, il y a quelques jours, à la «désobéissance civile», demandent maintenant la «démission» du chef de l'Etat. Elles l'accusent de velléités de «pouvoir à vie». L'opposition se dit décidée à barrer la route à Blaise Compaoré, et cela quel qu'en soit le prix.