Les nationalistes catalans ont voté hier sur l'indépendance, une consultation sans précédent mais sans valeur légale, organisée par l'exécutif de cette puissante région d'Espagne malgré l'interdiction de Madrid. «Ce vote est un défi à l'Etat espagnol qui a utilisé tous les moyens pour l'empêcher», a soutenu Carme Forcadell, qui dirige la principale association indépendantiste, l'ANC. Les partisans de l'unité de l'Espagne n'ont pas voulu, quant à eux, participer à cette consultation jugée «illégale et antidémocratique». Les indépendantistes seraient près de la moitié des 7,5 millions de Catalans, selon un récent sondage. Plus d'1,1 million de Catalans avaient voté à 13h, a annoncé le gouvernement régional. La vice-présidente de la Generalitat, Joana Ortega, a annoncé à la presse que 1 142 910 personnes avaient déposé leur bulletin dans les urnes entre l'ouverture des bureaux à 9h et 13h (12h GMT). Les bureaux devaient fermer à 20h. Les autorités catalanes n'annoncent pas de taux de participation. Elles estiment à quelque 5,4 personnes le nombre de résidents de plus de 16 ans, espagnols et étrangers, invités à voter. S'appuyant sur l'exemple du référendum écossais, le président catalan Artur Mas a pris le risque d'organiser cette consultation symbolique — il n'y a ni commission ni listes électorales — en dépit de son interdiction par le tribunal constitutionnel saisi par le gouvernement. Il s'agit d'une sorte de tir de balles à blanc des Catalans sur l'Espagne… en attendant de pouvoir organiser un vrai référendum. «Notre objectif est de voter dans un référendum définitif, si possible en accord avec Madrid», a d'ailleurs déclaré le président nationaliste après avoir déposé son bulletin dans l'urne sous les applaudissements. «Nous allons essayer de convaincre les gens à Madrid, après ce 9 novembre, que les Catalans ont droit à un référendum avec ses conséquences politiques, comme les Ecossais (...) et les Québécois. Pourquoi pas la Catalogne ?» Pour recueillir un maximum de voix, Artur Mas a ouvert le scrutin aux jeunes de plus de 16 ans et aux étrangers ayant au minimum un an de résidence. L'antécédent écossais et québécois De son côté, le gouvernement espagnol soutenu que la Constitution ne permet pas aux régions d'organiser de référendum sur une question qui concerne tous les Espagnols. Après avoir tenté de l'empêcher, le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a tenté de minimiser l'importance du scrutin. «On peut l'appeler comme on voudra, mais ce n'est ni un référendum, ni une consultation, ni rien qui y ressemble (...). Ce qui est certain, c'est que cela n'aura aucun effet», a-t-il déclaré samedi. Mais des plaintes déposées par des anti-indépendantistes lui permettront difficilement de fermer les yeux sur les violations des décisions du tribunal constitutionnel. A deux reprises, les juges ont ordonné la suspension des préparatifs du scrutin et en particulier l'utilisation des moyens de l'Etat pour l'organiser, même s'il implique surtout 40 000 bénévoles. Le parquet a annoncé qu'il enquêtait sur l'installation de bureaux de vote dans des lycées publics et des bâtiments officiels. Les preuves pourraient servir à d'éventuelles poursuites pour désobéissance civile. La mésentente avec Madrid ne cesse de s'aggraver depuis qu'en 2010, le tribunal constitutionnel a amendé un «statut d'autonomie» en vigueur depuis 2006 qui accordait d'importants transferts de compétences à la Catalogne et la reconnaissait comme «nation». Ceci pour dire que Rajoy est loin d'en avoir fini avec la question catalane.