En froid avec l'ONU et les Etats-Unis, n'ayant pas voix au chapitre à l'Union africaine et désormais exclu de la CAN, le cauchemar continue pour le Maroc. Est-ce la fin d'un règne pour le Maroc en Afrique ? La décision du comité exécutif de la Confédération africaine de football de lui retirer l'organisation de la CAN et d'en disqualifier son équipe nationale constitue, assurément, un camouflet. Sportif d'abord, mais aussi et surtout diplomatique. Le royaume, qui était jusque-là en territoire acquis et conquis sur le continent noir, s'en trouve subitement chassé… Le mot est fort, mais la sentence de la CAF et ses implications le sont tout autant. Le royaume, qui a maintenu les dessertes de sa compagnie aérienne, la RAM, vers de nombreuses destinations africaines malgré Ebola, n'a pas réussi à convaincre l'instance continentale de reporter la compétition de foot de peur précisément de ce fameux virus. L'argument du «cas de force majeure sanitaire» s'est avéré insuffisant pour faire plier la CAF. Le mauvais diagnostic de Rabat De fait, le Maroc se prive d'une immense occasion de s'offrir une publicité gratuite et dans le monde entier pendant trois semaines, soit la durée de la compétition africaine. Mais, plus grave, c'est l'image du royaume qui se trouve sérieusement écornée par cette exclusion, sans gloire, d'une compétition aussi prestigieuse que la CAN. Vu d'Afrique, c'est un manque de solidarité de la part du Maroc à l'égard des pays touchés par le virus Ebola qui ont plus besoin d'être soutenus que d'être fuis comme des pestiférés. En abattant sa main lourde, la CAF, présidée par le Camerounais Issa Hayatou, a sans doute voulu faire payer au royaume son attitude pour le moins inappropriée. Diplomatiquement, c'est une gifle pour un pays qui prétend être le porte-drapeau du continent, même s'il s'est auto-exclu des instances de l'Union africaine depuis 1984. Le Maroc a clairement perdu la main sur le continent, malgré les périples réguliers et autres safaris de son roi, qui ouvre une banque par-ci et une mosquée par-là. Le fait est que de nombreux pays africains soutiennent le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et reconnaissent la RASD. En juin dernier, au terme de son 23e sommet à Malabo, en Guinée équatoriale, l'Union africaine a nommé l'ex-président du Mozambique, Joaquim Chissano, envoyé de l'UA pour le Sahara occidental. Une nomination qui a fait très mal au royaume, au point de protester auprès de Ban Ki-moon. Mais ce n'était qu'un début. Le cauchemar allait crescendo pour le royaume qui faisait face à une série de déconvenues sur le seul sujet inscrit à son agenda diplomatique, à savoir le dossier du Sahara occidental. A commencer par les rapports décapants sur les violations des droits de l'homme dans les territoires occupés et les simulacres de procès expéditifs contre les activistes sahraouis. Signe de la grosse panique qui s'est emparée du royaume, sa mission à New York ne sait plus sur quels amis s'appuyer maintenant que les Etats-Unis assument publiquement le statut du Sahara occidental en tant que «territoire non autonome», conformément aux résolutions pertinentes des Nations unies. El Watan, qui a consulté des documents confidentiels envoyés par le représentant du makhzen à l'ONU à sa tutelle à Rabat, a pris toute la mesure du malaise du Maroc face à l'érosion de ses soutiens au Conseil de sécurité. Déjà qu'il a échappé de justesse à un projet de résolution américain élargissant le mandat de la Minurso à la protection des droits de l'homme en 2013, le Maroc s'inquiète plus que jamais d'un lâchage définitif des Américains. Et pour cause, Washington a très mal apprécié le refus du Maroc d'accueillir l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, Christopher Ross, au prétexte que ses rapports sur le Sahara occidental seraient subjectifs. De même que les Etats-Unis ainsi que le secrétaire général de l'ONU ne comprennent pas que Rabat s'oppose à la nomination du nouveau chef de la Minurso, la diplomate canadienne Kim Bolduc. Alors qu'elle devait rejoindre son poste début septembre à El Ayoun, le Maroc ne lui a pas donné son feu vert, arguant qu'il n'a pas été «consulté». C'est dire que le royaume du Maroc se retrouve en porte-à-faux avec les Nations unies, l'Union africaine et, depuis hier, avec la Confédération de football. Il est clair qu'il lui sera difficile de se sortir d'un tel guêpier. En diplomatie, il n'est jamais de bon ton de hausser le ton et de bomber le torse, a fortiori contre des adversaires avec lesquels on ne boxe pas dans la même catégorie. Le Maroc et son roi risquent d'y laisser des plumes…