La colère gronde dans les rangs des médecins psychiatres, depuis l'opération de choix de postes de chef de service hospitalo-universitaire, qui a eu lieu il y a six mois. Il s'agit, plus précisément, des pédopsychiatres (psychiatrie consacrée aux enfants). Lors de cette assemblée, tenue le 25 juin dernier, un maître de conférences en psychiatrie pour adultes a émis le vœu d'être à la tête du service de psychiatrie pour enfants de l'hôpital de Chéraga. Sitôt le souhait émis, une levée de boucliers contre son éventuelle nomination n'a pas tardé. Des psychiatres se sont rassemblés, hier à l'hôpital de Chéraga, pour mettre en garde contre ce qu'ils considèrent comme une «grave dérive». «Ce service de psychopédiatrie ne peut pas être géré par une personne qui n'est pas du domaine. Nous contestons le fait qu'un psychiatre pour adultes qui n'a jamais traité ou pris en charge des enfants soit mis à la tête de ce service.» Le docteur Ousseddik, pédopsychiatre en charge du service de pédopsychiatrie de l'hôpital de Chéraga depuis près de 20 ans, entouré d'une vingtaine de blouses blanches, conteste la nomination imminente de ce maître de conférences en psychiatrie d'adultes. «Nous nous battons depuis des années pour cette spécialité, cette nomination serait une régression», ajoute-t-elle. Ces psychiatres ont fait le pied de grue, hier en matinée, dans la cour de l'hôpital en présence des familles de patients. Pour le professeur Kacha, psychiatre et président de la Société algérienne de la psychiatrie — qui, par sa présence au rassemblement, a tenu à témoigner sa solidarité à ses confrères pédopsychiatres —, cette situation pose un «problème d'éthique». «Un médecin qui n'a pas la compétence de gérer un tel service doit lui-même s'abstenir, la spécialité a besoin de compétences spécifiques», commente-t-il. La pédopsychiatrie est une spécialité pratiquée en Algérie depuis plus de deux décennies mais qui n'a été consacrée comme spécialité médicale à part entière que depuis 2013. L'enjeu, des enfants en souffrance «Ce n'est pas une affaire de personne, c'est un fait grave qui compromet l'avenir de la spécialité pour laquelle nous nous sommes battus», commente le professeur Metahri, chef de service de pédopsychiatrie de Blida. Deux arguments sont avancés par les contestataires. Ils évoquent d'abord l'arrêté 732 du 30 septembre 2013 et la circulaire interministérielle du 27 janvier 2014 qui précisent que «les candidats au poste de chef de service doivent justifier de l'appartenance à la spécialité du poste auquel ils postulent». Ils font valoir un second argument : le vaste champ d'intervention de la pédopsychiatrie (autisme, déficience mentale, toutes les situations de traumatisme liées à la violence, les troubles d'adaptation, les difficultés scolaires…), sur lequel plusieurs équipes travaillent depuis plus de 20 ans, requiert une connaissance spécifique. «La pédopsychiatrie n'est pas une spécialité simple. C'est une spécialité qui s'est construite difficilement au fil du temps. Il est important que les responsables sachent que nous sommes déterminés à sauvegarder les acquis pour lesquels nous nous sommes battus», explique encore le professeur Metahri. Et d'ajouter : «Les liens que nous avons tissés avec des enfants en souffrance, avec leurs parents ne nous autorisent pas à lâcher prise.» «Nous ne nous élevons pas contre sa personne, mais nous n'arrivons pas à concevoir qu'un psychiatre, qui n'est pas spécialisé dans la prise en charge des enfants, gère ce service», indique, pour sa part, le professeur Belaïd, chef de service de psychiatre pour adultes, venu exprimer sa solidarité avec ses collègues pédopsychiatres. Ils exigent une commission d'enquête pour clarifier cet imbroglio administratif et se disent déterminés à se battre contre l'officialisation de cette nomination.