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«Je n'ai pas eu d'adolescence»
Abdelhamid Zouba. Ancien coach national, membre de l'équipe du FLN, auteur d'un triplé historique en 1976 avec le MCA
Publié dans El Watan le 27 - 11 - 2014

«Le difficile n'est pas d'être avec ses amis quand ils ont raison, mais quand ils ont tort.» André Malraux
Le paysage de sa vie a longtemps été peuplé de ballons, car Zouba a dédié une longue partie de son existence au football. Discret, toujours en retrait, mais exigeant, Zouba a toujours cru en son étoile. Dans sa vie, il se félicite des coups de pouce du destin qui l'ont sorti parfois de situations encombrantes. Une tape sur l'épaule, ou une main tendue pour l'accompagner, car la solidarité est très belle quand on a près de soi quelqu'un à qui la dire. Reconnaissant, il admet que sa trajectoire aurait été tout autre sans la providence. Il pense à haute voix que son destin était écrit et tracé. «J'ai eu beaucoup de chance, et je remercie Dieu de m'avoir envoyé opportunément des êtres qui m'ont sauvé.» «Je n'ai pas eu d'adolescence», ne cesse-t-il de répéter, sans doute pour exorciser une frustration qu'il comblera par la suite.
Enfance à Saint-Eugène
Il est né le 2 avril 1934 à Saint-Eugène (actuel Bologhine). «J'avais 5 ans quand la Deuxième Guerre mondiale a éclaté en 1939. Aïssa, mon père, fonctionnaire à la mairie, avait décidé de nous emmener sur les terres de nos aïeux à Isouvaren, près de Draâ El Mizan. J'y ai passé toute la durée de la guerre. Je suis retourné à Saint-Eugène où sévissait une grande misère, mais nous, nous étions doublement touchés par la misère et l'ignorance. Je suis l'aîné de 10 enfants. Je me suis mis à travailler en faisant de petits métiers à 12 ans. Dans nos familles, les aînés étaient faits pour aider les papas et dans tous les domaines les garçons étaient déifiés.» D'un ton calme et pesé, Zouba égrène les étapes de sa vie en ne cherchant pas à comprendre pour croire, mais en croyant pour comprendre.
«Dans mon malheur de ne pas avoir été à l'école, j'ai trouvé le ballon qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui», résume-t-il avec philosophie. Dans ce contact avec la balle ronde, des hommes ont été les déclencheurs, comme Coutanceau, entraîneur du Gallia Sport d'Alger. «Il ‘‘chassait'' là où on jouait à Notre-Dame d'Afrique. Un jour, il vient vers moi et me dit : ‘‘Pourquoi ne viens-tu pas jouer à
l'OMSE ?'' Puis ce fut M. Baul qui m'a vu jouer et qui m'a pris à l'ASSE. J'avais 15 ans et ma vie était transformée. Mais mon intégration à l'ASSE ne fut pas du goût de mon père, qui menaça même de faire déménager la famille, car il n'admettait pas les réactions de ses amis outrés par le fait que je joue dans l'autre camp. Finalement, tout est rentré dans l'ordre et j'ai signé à l'ASSE où M. Fenenia, le trésorier, venu à la maison, me met de l'argent dans la main, 6000 F ; à l'époque, c'était une fortune. J'ai donné cet argent à ma mère qui a fait tout un ‘‘boucan'', suspectant la provenance de cet argent. Mon père, arrivé entre-temps, a remis de l'ordre en prenant une partie de cet argent pour payer les arriérés de location et pour me payer des vêtements au stock américain de Bab El Oued.
Parallèlement, je jouissais d'un emploi chez Scafino, dans un hangar du port d'Alger. En 1956, le FLN donne l'ordre d'arrêter toutes les compétitions, nous étions en chômage technique en quelque sorte. Un jour, Esposito, un Français, me suggère d'aller tenter ma chance outre-Méditerranée. Je me retrouve à Marseille vêtu d'un pull-over rouge pour être remarqué par l'ami d'Esposito venu m'attendre. Je me suis rendu à Nice, et comme Bentifour qui avait un restaurant à Nice et qui jouait à Monaco je brûlais d'envie de le voir pour me conseiller. Il est venu voir mon essai concluant à l'issue duquel on m'avait proposé 45 000 F. Mais à l'époque, le contrat courait jusqu'à l'âge de… 35 ans.
Bentifour m'avait déconseillé. Un de ses amis, Pedini, entraînait Niort. Il m'y a envoyé et c'est là que j'ai signé une licence avec cette condition. Je voulais aller à l'école, le président du club m'a mis dans une librairie en mettant à ma disposition un instituteur pour apprendre le français. Dans les vestiaires, j'ai pris conscience des disparités au niveau culturel. J'ai alors pris mon destin à la gorge. Il fallait que je m'en sorte. Cette année-là passée à Niort m'a beaucoup servi.» C'est dans cette ville que le leader du mouvement national, Messali Hadj, avait été assigné à résidence. Zouba se rappelle des foules enthousiastes, au bord de l'hystérie, scandant le nom du zaïm qui faisait quelques apparitions au balcon de l'hôtel où il résidait. «Plus que de l'adulation, c'était de la vénération», se souvient-il.
Par la force des bras
Le mois de juin 1958, Zouba reçoit une lettre l'enjoignant de se rendre à un rendez-vous au café le Glacier de la ville. «M. Ouali, au teint français, un El biarois, était là. J'ai mis une heure et demie pour le reconnaître. Il me fixe rendez-vous avec Mazouza au café Le Départ à Paris. Il y avait les frères Soukhane, les frères Bouchache et Ibrir. On part sur Bruxelles. On prend le train sur Bonn, puis celui de Rome où nous sommes accueillis par le représentant du FLN, Tayeb Boulahrouf. De là, on part pour Tunis. La suite, vous la connaissez avec le périple glorieux du porte-flambeau de l'Algérie combattante… A Tunis, Krimo Rebih me présente un de ses amis, un instituteur avec qui j'ai sympathisé, vu qu'il a constaté que j'aimais la lecture, lui aussi m'a aidé. Quand on prenait le train, je me mettais à la place des bagages. J'étais là-haut avec mes livres et mon dico. Les autres jouaient au rami et me taquinaient de temps à autre, m'affublant du nom de Victor Hugo, avec cette remarque assassine» : ‘‘Celui qui s'est instruit, il l'a fait depuis fort longtemps !» «J'ai toujours fait chambre commune avec Bouchouk, pharmacien, un grand ami, alors que Bentifour a été mon mentor. C'est sur ces deux hommes que je me suis appuyé. Après l'indépendance, alors que tous mes camarades de l'équipe du FLN étaient rentrés à Alger, moi je me débarrasse de mes biens à Tunis, pour reprendre le foot. J'entraîne Grange, club de 1re division. Snella était au Servette. c'était un ami. On a joué contre eux à Genève et on les a battus 3 à 1. Par pudeur, je me suis éclipsé à la fin du match pour ne pas le croiser.»
En 1964, Zouba joua au Nîmes Olympique de Kader Firoud. Rentré en Algérie, il drive l'USM Bel Abbès du Dr Hassani. Sur ses périodes, l'ancien membre de l'équipe FLN commente : «La chance que j'ai eue, c'est de connaître Snella, un curé et Firoud, un diable qui soutirait le maximum de ses joueurs, mais dans le bon sens bien sûr, et puis c'était un grand pédagogue du fait qu'il avait fait l'Ecole normale de Bouzaréah.» Zouba évoque avec émotion sa période mouloudéenne. «A cette époque-là, j'étais le seul entraîneur à avoir gagné trois titres dans la même saison : coupe, championnat et championnat d'Afrique en 1976 avec le MCA.»
Pourtant, relève-t-il, «ça avait mal commencé avec des défaites en début de saison. Le peuple du Mouloudia avait réclamé ma tête. Heureusement, j'avais des dirigeants, comme Ferhat Benlamane, qui m'ont soutenu jusqu'au bout. L'histoire leur a donné raison, puisque j'ai terminé champion.» Pourtant, un accroc a failli faire tout basculer. Début 1975, Zouba est au MO Constantine. «Abdelkader Drif ne voulait pas que je parte. Il m'a convaincu. Je suis retourné à Constantine pour m'excuser et rendre le chèque au Dr Bencharif, un dirigeant comme on n'en fait plus. Mais, en finale de coupe, le hasard a voulu que je tombe avec le MCA sur le… MOC. Je gagne le doublé. Je crois que des joueurs de talent comme Bencheikh, Draoui, Zenir, Bachi, Bachta, Betrouni, Bachi, Bousri, Amrous et les autres avaient adhéré à l'état d'esprit mutuellement adopté. Il était normal, grâce au travail, qu'après la période faste du CRB avec ses Lalmas, Kalem, Salmi, Achour, le tour du Mouloudia était venu…»
Zouba ne veut pas s'étaler sur la position pitoyable du Doyen aujourd'hui. «Il serait malvenu de faire des comparaisons ; seulement, ce qui m'intrigue, c'est que le sponsor majeur, à savoir Sonatrach, laisse faire sans réagir, poussant au pourrissement. Au MCA, les dirigeants laissent dire avec fierté que c'est la rue qui commande ; vous voyez où on en est arrivés. C'est l'ère de l'argent. Ce n'est ni la compétence ni la réflexion, j'ose espérer que ce n'est qu'un nuage d'été qui va passer…»
Joueur pro
Plus généralement, Zouba est chagriné par ce football national dépouillé de ses valeurs, coincé entre un spectacle improbable et un business sauvage. «Ce qui est regrettable, c'est que les compétences des anciens ne sont pas exploitées.» Puis, Zouba de résumer par cette formule : «Avant, dans les années 1980, les clubs étaient amateurs, les vestiaires étaient professionnels ; aujourd'hui, c'est tout le contraire.» Quant à la violence qui se manifeste ici et là, Zouba est convaincu que ce sont les équipes qui influencent le public par leur comportement. «Les jeunes chômeurs qui garnissent les tribunes n'acceptent pas que des joueurs millionnaires fournissent de piètres spectacles. Généralement, la violence est l'effet, la cause trouve ses racines dans une société malmenée, ligotée, dont le stade devient un exutoire, une sorte de soupape.»
Zouba, après son triomphe mouloudéen, se voit approché par des dirigeants libyens en 1977. Officiellement, il avait été affecté par le MJS au RCK qu'il n'a jamais rejoint. Au Nadi El Akhdar libyen, Zouba reste 3 ans. Au passage, il nous conte une anecdote liée à son
départ : «Un jour, El Gueddafi, avec son cortège, passa devant un stade et fut impressionné par l'enthousiasme de la foule. Arrivé au meeting qu'il devait présider, il ne ressentira pas le même engouement dans l'assistance. Alors, il se vengera en décrétant l'arrêt de toutes les compétitions footballistiques pendant des années, frustrant tout un peuple porté sur le foot.»Zouba retourne en Algérie en 1980 où il est entraîneur national, alors que le MJS lui interdit d'entraîner le WAB au motif qu'il est suspendu ; il est remis en selle au WA Casoral.
Regard critique
De son passage libyen, Zouba relève une accession et… une anecdote : «J'avais un excellent ailier à El Khadra, du nom de
Abdeldjellil. J'étais son entraîneur et on fréquentait la même université, moi pour me perfectionner en arabe, lui pour des études juridiques. Il finira ministre de la Justice, puis n° 1 libyen, président du CNT. 35 ans après, il est venu en visite officielle en Algérie. Il a demandé à me voir. Je suis surpris, et les services de la Présidence encore plus et étaient intrigués par ma présence à Zéralda. J'ai longuement discuté avec mon ancien joueur et pas seulement football. Aujourd'hui, je suis navré de voir ce qu'il est advenu de ce pays où les gens paraissaient si solidaires.» Dernièrement, Zouba a été l'invité d'honneur de la ville de ses aïeux près de Draâ El Mizan. «Ils m'ont offert une bouteille d'huile d'olive. Je leur ai dit que c'était ma coupe d'Afrique à moi. Puis, j'ai été là-haut dans la montagne pour me recueillir sur les tombes de mes grands-parents. Il y a eu beaucoup d'émotion, surtout après… 75 ans d'absence.»
Avant de nous quitter et en guise de conclusion suite à notre longue entrevue, Zouba a tenu à signaler deux faits. On commencera par le plus agréable, en tout cas celui qui l'a marqué. «J'étais heureux quand j'ai envoyé un peu d'argent à mon père et qu'il a acheté une voiture traction avant pour en faire un taxi. Il en a pleuré. Moi aussi. L'autre événement, c'est que ne j'ai pas eu d'accident dans ma vie qui semble tracée et qu'une main providentielle vient à chaque fois me sortir d'embarras.» Outre le foot, Zouba est connu pour être un fan inconditionnel du chaâbi,
«ce genre musical m'a beaucoup aidé dans mon éducation. Très jeune, j'étais subjugué par les qaçaides de Hadj El Anka. C'est au café Malakoff, rendez-vous de toute une génération de mélomanes, que j'ai beaucoup appris. Mais ce qui m'a comblé de bonheur, c'est cette phrase de Kader Firoud qu'il m'avait adressée : ‘‘Tu sais, je ne me suis pas trompé sur ton compte…'' ; cette remarque vaut toutes les Coupes du monde…»


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