Le ministre des Finances, Mohamed Djellab, assurait avec un aplomb désarmant lundi, au journal de 20 heures de l'ENTV, que l'Algérie, suite à l'accumulation de ses réserves de change et de son Fonds de régulation des recettes, est blindée pour «résister au choc» de la baisse du prix du pétrole, rappelant à dessein, pour rassurer les plus pessimistes, que la loi de finances est élaborée sur la base d'un prix du baril de pétrole à 37 dollars. Traduction : même avec un prix du baril en dessous de la barre de 70 dollars, comme c'est le cas actuellement, menaçant de poursuivre sa plongée suite à l'échec de la dernière réunion des pays producteurs à Vienne, il n'y aura pas, à court et moyen termes, de l'avis du premier argentier du pays, de conséquence sur la poursuite des projets sectoriels de développement. La seule riposte évoquée par le ministre pour prémunir le pays contre d'éventuelles incidences à venir face à un marché qui paraît, de l'avis des experts, s'inscrire dans une tendance baissière durable, c'est de soustraire certains grands projets structurants, en cours de réalisation ou programmés, du financement par le Trésor public pour les reverser sur les marchés financiers. Pas un mot sur la rationalisation des dépenses publiques, sur la nécessaire réduction du train de vie de l'Etat, sur la maîtrise de la facture des importations dont la libéralisation sauvage de l'économie a dopé la seule activité performante du modèle économique algérien : le métier d'importateur, dominé par des barons qui se partagent le marché. Il est quand même curieux, alors que le monde était secoué par une grave crise économique et financière, que l'Algérie ait continué à dépenser sans compter. A maintenir ses choix économiques basés sur la rente pétrolière qui a fait le lit de la corruption, important, à coup de devises fortes, fruits exotiques, véhicules et autres produits et équipements de pacotille alimentant l'économie de bazar au détriment de l'économie productive. Le pouvoir se trouve aujourd'hui pris à son propre piège. Le gouvernement avait le beau rôle de pavoiser et d'exhiber triomphalement les «réalisations» de l'ère Bouteflika, présentées comme la rançon d'une bonne gouvernance tant que les recettes pétrolières tirées d'un prix confortable du baril de pétrole pouvaient assurer la large panoplie des transferts sociaux destinés à acheter la paix sociale. Rien, pas même la crainte de la contagion des «révolutions arabes», n'a pu troubler la quiétude du pouvoir. Mais qu'en est-il aujourd'hui que les clignotants ne sont plus au vert ? Après avoir créé des habitudes et des besoins sociaux sur le modèle d'un Etat social ou Etat-providence, à coup de distribution non maîtrisée de logements sociaux et autres formes de partage de la rente à travers les crédits pour les jeunes dont la rentabilité économique n'a jamais été prouvée, de relèvement des salaires pour certaines catégories sociales, de création de pensions nouvelles, comme celle allouée aux femmes divorcées… Il sera difficile demain, si besoin est, de convaincre l'Algérien d'accepter une cure d'austérité. Surtout face aux fortunes colossales bâties à l'ombre de l'économie rentière par les privilégiés du système. L'hiver de cette année risque d'être chaud, comme l'atteste le thermomètre qui est déjà monté brusquement dans plusieurs villes du pays.