Le Centre national de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques (CNRPAH) a organisé, du 1er au 3 décembre, la cinquième édition du colloque international «Patrimoine musical de la Kabylie : contextes, formes et systèmes» à la Maison de la culture de Béjaïa avec la contribution de nombreux chercheurs d'ici et d'ailleurs. C'est la première fois que des spécialistes font «le point sur l'état du patrimoine musical de la Kabylie», selon le responsable scientifique du colloque, Mehenna Mahfoufi, dont les travaux de recherche plongent dans l'héritage de la musique kabyle qui se décline aussi par les chants d'endormissement des bébés (berceuses), de ceux funéraires et d'izlane. Un tel colloque ne pouvait se tenir sans une pensée à trois personnalités du monde musical kabyle auxquelles Mahfoufi a rendu hommage. D'abord à Marguerite Taos Amrouche, qui a interprété les chants de sa mère en 1939 au festival de Fès. Ensuite à Malek Ouary, un contemporain de Taos Amrouche et originaire de la même région d'Ighil Ali (Béjaïa), région du père de Taos, qui a contribué à faire connaître le patrimoine musical kabyle avec des enregistrements en 1949 à Radio-Alger. Hommage est aussi rendu au compositeur, chef d'orchestre et jeune virtuose Mohand Iguerbouchen. «L'étude ethnomusicologique a tendance à dire qu'il n'y a rien à révéler, mais en réalité il y a tout un patrimoine à découvrir», soutient Mehenna Mahfoufi. Le colloque devrait répondre à diverses questions dont celle de savoir s'il existe une chanson kabyle du XIXe siècle ? Doctorant en musicologie à l'université Paris-Sorbonne, Salim Dada s'est intéressé à Francisco Salvador-Daniel qui a vécu à Alger au milieu du XIXe siècle. Salim Dada a usé de sa guitare pour jouer de petits mélodies reconstituées à partir des travaux de Salvador-Daniel qui a traduit des chansons algériennes, tunisiennes, mauresques et kabyles, et a adapté les musiques aux instruments occidentaux avant de les faire jouer dans les milieux bourgeois de la France du Second Empire. Mehdi Trabelsi, docteur en musicologie et musicien concertiste tunisien, a aussi produit des reconstitutions sur la base des travaux du même compositeur et ethno-musicologue français d'origine espagnole, Salvador-Daniel. Parmi les travaux sur les traditions musicales arabo-berbères, Mehdi Trabelsi s'est particulièrement intéressé à une Notice sur la musique kabyle et la quinzaine de transcriptions musicales qui l'accompagnent. Une Notice présentée dans Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura de Hanoteau (officier français), publié en 1867. «Même si les travaux musicologiques de Salvadot-Daniel semblent dépassés à l'heure actuelle, néanmoins ils demeurent des sources incontournables qui nous livrent des informations précieuses et des témoignages directs sur ce que fut la musique maghrébine au XIXe siècle», estime Mehdi Trabelsi.