Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, arrivé, hier, en début d'après-midi, à Beyrouth pour assister à la réunion des ministres des Affaires étrangères arabes alors que l'aviation israélienne ciblait la banlieue-sud de la capitale, l'Algérie a déclaré son soutien au plan du gouvernement libanais, dit des 7 points comme plate-forme du règlement de la crise actuelle. Le plan, a rappelé le ministre algérien dans son allocution, s'articule notamment autour d'un cessez-le-feu immédiat, le retrait de l'armée israélienne. Le projet franco-américain exige « une cessation complète des hostilités » sans faire mention de « cessez-le-feu immédiat ». Insuffisant. Le Liban demande que le texte soit amendé et prenne en compte son plan. Celui-ci envisage notamment l'envoi de l'armée libanaise dans le sud du Liban ou encore le renforcement de la Finul, la Force intérimaire des Nations unies pour le Liban. L'Algérie, qui regrette « la paralysie totale du Conseil de sécurité » du fait d'un « abus de puissance » d'un seul Etat suivi par des « satellites », appelle l'Assemblée générale de l'ONU à tenir une cession extraordinaire sous le signe « Unissons-nous pour la paix » pour prendre en charge les missions du Conseil de sécurité. Mohamed Bedjaoui a proposé de communiquer une liste de responsables israéliens à la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et auteurs de crimes contre l'humanité et a appelé à une réunion immédiate du Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour qualifier les crimes israéliens et refuser les justifications israéliennes. Alger conseille aux Etats ayant des relations diplomatiques avec Israël de retirer leurs ambassadeurs de Tel Aviv et de fermer les représentations de l'Etat juif. L'Algérie dénonce « les complicités criantes » à l'agresseur israélien de la part de l'Occident et « ses encouragements exagérés ». Bedjaoui a également prévenu vis-à-vis des discours autour du « nouveau Moyen-Orient », considérant qu'il craignait « des intentions visant l'avenir de notre région ». Le ministre algérien a également déclaré la pleine disposition de l'Algérie, peuple et gouvernement, pour la reconstruction du Liban. « Nous avons dit qu'il fallait mobiliser toutes les possibilités pour affronter cette agression, le pétrole a été évoqué », nous a répondu Abdelkader Hadjar, représentant de l'Algérie à La Ligue arabe sur le perron d'Essaray Al Kabira, le Grand Sérail, où siège le Premier ministre Fouad Siniora, lorsqu'il a été questionné sur un probable emploi de l'arme du pétrole. « Nous avons réalisé des points concrets en quelques heures seulement », nous a déclaré Mohamed Bedjaoui à la suite de la réunion. Une réunion en retard La réunion a adopté la proposition saoudienne invitant les pays arabes à une réunion extraordinaire de la Ligue à la Mecque, chargeant Amr Moussa de préparer la réunion. Ce dernier, ainsi que les ministres des Affaires étrangères du Qatar et des Emirats arabes unis devaient s'envoler hier soir pour New York afin de tenter d'amender la résolution onusienne sur la base du plan dit des 7 points du gouvernement libanais. Mais déjà le correspondant d'Al Jazeera au siège des Nations unies à New York a indiqué que le président français en exercice de la session du Conseil de sécurité a fait savoir que la session était clôturée. Fouad Siniora, lors de son allocution d'ouverture, a demandé aux chefs de la diplomatie arabe une « position ferme » pour amender le projet de résolution onusienne. Emu aux larmes devant les mines gênées des ministres arabes, dont les trois avions ont atterri à Beyrouth alors que l'aviation israélienne attaquait la banlieue sud, Siniora déclare : « Il y a une heure, un massacre affreux s'est produit à Houla à la suite du bombardement intentionnel par Israël qui a coûté la vie à plus de 40 martyrs ». « Nous n'acceptons plus que le Liban soit un champ de bataille pour les combats des autres, quelles que soient les justifications ». « Je vous parle avec la confiance que me donne la tristesse des mères éplorées et des enfants tués, que me donnent les cris des blessés et des déplacés… », a-t-il lancé en pleurs. Siniora a rappelé qu'un tiers des 1000 morts suite à l'agression israélienne a moins de 12 ans. Un chiffre, a-t-il insisté, en constante hausse. Il a également pleuré en déclarant que « l'arabité du Liban ne souffre aucun doute ». Les ministres arabes l'applaudissent debout. L'avion jordanien qui a transporté une grande partie des ministres arabes de Amman, notamment Bedjaoui, a dû faire un détour par Aqaba dans le sud jordanien, le Sinaï, Chypre pour ensuite Beyrouth. « Cette réunion intervient très en retard », indique une journaliste d'Al Manar, la télévision du Hezbollah dont le siège a été détruit aux premiers jours de l'agression. « La rue libanaise n'attend pas grand-chose de cette réunion et reste en colère face à la réaction des officiels arabes », a-t-elle ajouté. « L'aviation israélienne au-dessus de nos têtes est un message qui dit toute l'impuissance des Arabes », dit un journaliste libanais, alors qu'arrivaient les deux bus Isuzu ramenant les ministres arabes au Saraya en provenance de l'aéroport de Beyrouth. Le ministère de l'Intérieur libanais a interdit toute manifestation publique hostile à la réunion des ministres des AE arabes. Alors que lors de la soirée de dimanche, des manifestants se sont réunis devant l'hôtel Bristol de Beyrouth pour dénoncer le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moualem, qui a dîné dans cet établissement avec son homologue libanais Fawzi Saloukhi. C'est la première visite à ce niveau depuis le retrait syrien du Liban en avril 2005. « Nous soutenons le plan des 7 points à condition que son approbation englobe tous les acteurs libanais », en citant le Hezbollah, a déclaré le ministre des AE syrien.