Y a-t-il une volonté de lutte contre la corruption en Algérie ? Epinglé tout récemment par un rapport de Transparency International, le pays ne donne pas l'impression de vouloir réagir. Pour preuve, la Journée internationale de lutte contre la corruption, coïncidant avec le 9 décembre de chaque année, est passée sous silence. Instituée par l'organisation des Nations unies suite à l'adoption, le 23 octobre 2003, de la Convention contre la corruption, cette journée n'est plus célébrée dans le pays depuis 2009. Même les organisations de la société civile ne sont pas autorisées à activer sur le terrain en vue de sensibiliser l'opinion sur cette question. «Depuis 2009, c'est dommage, nous ne sommes plus autorisés à tenir des rencontres nationales et régionales pour sensibiliser l'opinion sur l'ampleur de la corruption et ses conséquences sur le pays et son économie», déplore Djilali Hadjadj, porte-parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC). Cet empêchement de l'organisation de la société autour de cette question épineuse est un prélude à un laisser-aller officiel. Ce dernier se manifeste, selon notre interlocuteur, par la démission énigmatique des institutions chargées de la lutte contre la corruption, notamment la justice. «Je dirais que la démarche du pouvoir est cohérente. Car la justice est aux abonnés absents et les autorités ne font rien pour endiguer ce phénomène (…). C'est inquiétant que toutes ces affaires de corruption moisissent au niveau de la justice. Je cite, pour preuve, l'affaire de CNC Lavalin. Alors que la justice suisse est sur le point de boucler son enquête sur cette affaire, la partie algérienne refuse même de coopérer», dénonce-t-il. La Cour suprême : Cimetière des affaires de corruption L'autre preuve de l'immobilisme algérien en matière de lutte contre la corruption, ajoute Djilali Hadjadj, est la couverture dont bénéficient les hauts responsables cités dans des affaires de détournement. «La Cour suprême devient un cimetière des affaires où sont cités de hauts responsables et des ministres. Pis encore, des ministres dans le gouvernement actuel, dont l'implication est confirmée notamment dans l'affaire Khalifa et celle de l'autoroute Est-Ouest, ont bénéficié de promotions», affirme-t-il. Evoquant le recours abusif au gré à gré dans l'attribution des marchés publics, le responsable de l'AACC relève les contradictions entre la dernière instruction de Abdelmalek Sellal et les faits : «Le Premier ministre demande à ce que le gré à gré soit l'exception, mais le lendemain, à l'occasion de sa visite en France, 9 protocoles d'accord ont été signés. Ces derniers octroient des marchés publics selon la formule de gré à gré à des entreprises françaises, dont certaines sont impliquées dans des affaires de corruption à travers le monde. De plus, les projets qui leur sont octroyés n'ont aucun caractère urgent.» Et de préciser que «le gré à gré ouvre la voie à la corruption». Pour une sérieuse lutte contre ce crime, Djilali Hadjadj demande la révision de la loi de 2006 portant lutte contre la corruption, l'adaptation du code des marchés publics avec les exigences des conventions internationales et la révision de la législation sur la déclaration de patrimoine, qui est devenue obsolète. «Il faut aussi confier l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption à des gens compétents et intègres. Notre association est disposée à apporter sa contribution dans ce domaine. Nous avons un réseau d'experts compétents, qui peuvent aider à endiguer ce phénomène», soutient-il.