Le gouvernement algérien se mure dans le silence et la justice algérienne est aux abonnés absents.» L'inaction des pouvoirs publics face à l'avalanche d'affaires de corruption et l'implication directe de multinationales, à l'instar de SNC-Lavalin, irritent, excèdent a fortiori l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), qui observe que parallèlement, «sous d'autres cieux, les enquêtes policières, judiciaires et journalistiques apportent régulièrement de nouveaux éléments sur l'implication de l'Algérie dans cet énorme scandale (Sonatrach) aux ramifications internationales». Dans son communiqué rendu public hier, l'AACC revient longuement sur les rôles et modus operandi de la multinationale canadienne pour s'adjuger des marchés en Algérie (4 milliards de dollars en dix ans) comme par exemple la nomination presque quasi systématique à des postes importants de «Nord-Africains». «Comment sont-ils choisis ?», s'interroge l'association animée par Djilali Hadjadj. «Pour leurs diplômes ? Leurs carnets d'adresses ? Pour leurs liens divers et familiaux avec les gouvernements maghrébins ?» L'AACC dresse un inventaire pas tout à fait à la Prévert : de Salim Bebawi, égyptien d'origine, ayant occupé jusqu'en 2006 le poste de premier vice-président du groupe – actuellement recherché par la justice canadienne – à Ryadh Ben Aïssa, d'origine tunisienne, vice-président de Lavalin de 2006 à 2012 – emprisonné à Genève –, jusqu'à l'actuel directeur de SNC-Lavalin Algérie, Salim Amadadou, un «faux docteur de l'Ecole polytechnique de Montréal et dont les pratiques de népotisme sont dénoncées par de nombreux employés du groupe Lavalin», embroche l'association anticorruption. «La corruption, souligne le communiqué, a été une pratique utilisée systématiquement par les dirigeants de SNC-Lavalin, contrairement aux déclarations de ces derniers aussi bien ceux qui ont été écartés que ceux qui sont en poste, privilégiant la thèse de l'acte isolé.» SNC-Lavalin, comme toutes les multinationales qui s'adonnent à la corruption, la stratégie étant de «s'appuyer sur les clans au pouvoir et ou à sa périphérie», note-t-on dans le communiqué. «Ces multinationales apportent même une assistance technique à ces clans et leurs intermédiaires pour faciliter les placements, à l'étranger, des commissions et pots-de-vin : mises en contact avec des banques peu regardantes sur l'origine des fonds ; recrutement d'avocats spécialisés dans la gestion des fortunes ; ouverture de comptes protégés dans des paradis fiscaux et montages des sociétés écrans.» Une «assistance technique qui a aussi permis à des dirigeants de SNC-Lavalin de bénéficier de rétrocommissions que les justices italienne, suisse et canadienne essaient de localiser, de chiffrer et de récupérer». Le «dénominateur commun» aux affaires de corruption de SNC-Lavalin en Algérie, en Tunisie et en Libye, juge l'AACC, «c'est l'apparition de clans pour la gestion de cette criminalité organisée : les Farid Bedjaoui et Chakib Khelil pour l'Algérie, les Ben Ali en Tunisie et l'un des fils d'El Gueddafi en Libye». L'AACC s'interroge par ailleurs sur quelle base le ministre de l'Energie et des Mines et le PDG de Sonelgaz ont annoncé que SNC-Lavalin était mise sur liste noire en Algérie, interdite de soumissionner pour les marchés publics, «alors que la justice algérienne ne s'est pas du tout prononcée sur l'existence de faits de corruption avérés». A moins que ces responsables, ajoute l'AACC, se soient appuyés sur la décision de la Banque mondiale de blacklister une centaine de filiales de Lavalin impliquées dans des affaires de corruption. «Dans ce cas, s'interroge AACC, pourquoi ne pas sanctionner aussi les firmes étrangères, chinoises et françaises notamment, toutes aussi blacklistées par la BM ?» AACC relève, in fine, l'inanité des annonces officielles. Pour preuve : «Monsieur Propre de Lavalin a révélé à la presse que son entreprise n'a été destinataire d'aucune notification officielle l'informant de son exclusion des marchés publics.»