Un événement scientifique et un grand moment d'humanité furent consacrés, dimanche et lundi derniers, à la faculté de médecine d'Alger. Des anatomistes issus des facultés de médecine des quatre coins du pays ont bel et bien engagé un premier pas, aussi modeste soit-il, vers la médecine des temps futurs. Réunis en séminaire de formation à la nouvelle chaire d'anatomie numérique, ces jeunes et moins jeunes médecins ont pu renouer avec la table de dissection – de synthèse – à la faveur de l'humble don d'un citoyen du monde qui a donné son corps à la science. Une vingtaine de médecins, étudiants, maîtres assistants et résidents confondus se sont retrouvés en début de semaine au laboratoire d'anatomie de la faculté de médecine d'Alger. Sous les bons auspices du professeur Si Salah Hammoudi, célèbre anatomiste et titulaire de la chaire d'anatomie d'Alger, les médecins algériens firent l'insigne rencontre de ces éminents hôtes : les professeurs Delmas et Hul. Les deux anatomistes de renommée internationale et fortement impliqués dans les programmes de coopération universitaire engagés par l'Unesco ne cessent de parcourir l'Europe et l'Amérique latine dans un élan de promotion de l'enseignement de la médecine et l'utilisation des nouvelles technologies afin de mieux répondre aux nouveaux défis de la santé mondiale et concourir à l'avancement de l'éducation et des sciences. D'emblée pris de passion, les séminaristes furent fort motivés par l'allocution d'inauguration énoncée par le professeur Vincent Delmas. Le célèbre anatomiste de l'université de Paris-Descartes est également apprécié pour ses dissertations, dont le séduisant style de joindre l'histoire ancienne de la médecine à l'actualité des plus récentes prouesses technologiques, humanise la froideur des exposés scientifiques. Son collègue, le professeur Jean François Hul, second animateur de la chaire unitwin-unesco d'Alger, lui succède au lutrin. Le débonnaire et fort sympathique professeur d'anatomie fit également sensation lors de son cour inaugural et conforté par les images impressionnantes des applications futuristes rétro-projetées sur le tableau de l'amphithéâtre du laboratoire d'anatomie. Le professeur Hul est le responsable de ce nouveau cycle de formation portant sur la maîtrise des outils de modélisation tridimensionnelle et de la dissection virtuelle ; il enchaînera en co-tutelle avec le professeur Hammoudi la session de formation qui s'est déroulée durant deux passionnantes journées, dimanche et lundi, dans l'antre des mythiques salles de dissection de l'ancienne faculté d'Alger. Le début des enseignements eut lieu dans une atmosphère solennelle, car au-delà de la fraternité éprouvée à la faveur des liens tissés entre condisciples de diverses origines, un fort sentiment de communion se fit sentir dans l'enceinte du laboratoire d'anatomie ; en respect au don de soi de cet anonyme sujet anatomique-cadavre, dont la réplique synthétisée fit le voyage Paris-Alger dans les bagages des professeurs Delmas et Hul, pour l'amour de la science et le salut de l'humanité. Sur la table de dissection du logiciel Osirix, apparaît la silhouette d'Adam, qui fut scannée à grande résolution avant d'être tranché en fines coupes – tranches horizontales – d'un millimètre chacune. Le premier apprentissage s'effectue sur un autre programme informatique de modélisation nommé Windsurf ; l'exercice consiste à explorer les chairs et les os du sujet, y distinguer les organes jusqu'aux menues arborescences des veines, des artères et des nerfs, pour les reconstituer en volume en se basant sur les contours des coupes anatomiques. Les étudiants, de prime abord incertains et confus devant leurs micro-ordinateurs, arrivent en quelques heures à se familiariser avec l'interface du programme informatique, incités par l'approche pédagogique efficiente du professeur Hul et soutenus par le conseil et l'œil expert du professeur Hammoudi. Dès le lendemain, les apprenants sont en mesure d'entamer le travail de modélisation et commencent à ébaucher les premiers fragments d'organes reconstitués. Avant de clôturer les travaux, les séminaristes se sont entendus pour fixer un prochain rendez-vous (vers le mois de mars) pour une réunion de synthèse, au cours de laquelle ils rendront compte de la transmission des connaissances qu'ils ont acquises au cours de cette formation à leurs étudiants, chacun dans sa faculté d'origine. Pour ce faire, le cadavre est démembré et dispersé aux quatre coins du pays ; la tête, le cou et le thorax resteront dans le centre et seront reconstitués par les anatomistes d'Alger, Blida et Tizi Ouzou. Les membres supérieurs et inférieurs partiront à Constantine, Annaba, Sétif et Batna. Quant à Oran, Sidi Bel Abbès et Tlemcen, ils repartiront avec l'abdomen, les reins et l'appareil uro-génital.