La démission parentale conjuguée au manque des moyens de distraction et des espaces de loisirs, envoie des jeunes enfants vers l'emploi informel, pourtant réprimé à l'échelle planétaire. L'emploi des mineurs à Souk Ahras ne saurait être masqué par les bulletins de bonne santé du marché de l'emploi, qui reste englué dans de sérieux problèmes, inhérents à cette anarchie qui le caractérise depuis des lustres. Ils sont des dizaines, sinon des centaines à travailler dans les secteurs du bâtiment et des services. C'est le cas de B. Ramzi, un lycéen en première année secondaire, âgé à peine de quinze ans. Il est exploité quotidiennement par son employeur, un grossiste en alimentation générale, qui met à profit sa situation sociale, plutôt précaire, pour l'utiliser dans le déchargement des marchandises. Plutôt taciturne et timide, il réussit, quand même à balbutier : «Que voulez que je fasse ? Je dois gagner un peu d'argent». A Lakhdara, Merahna et M'daourouch, l'emploi des enfants dans les champs de blé et les vergers limitrophes est une pratique courante, et ce sont souvent les parents qui poussent leurs enfants à s'occuper de différentes tâches liées à la culture de la terre. L. Lakhdar, un propriétaire terrien de la commune d'Ouillen voit la chose autrement. «Vous savez que nous avons une main d'œuvre vieillissante dans le secteur de l'agriculture, et nous essayons de former les générations montantes pour perpétuer le travail de la terre», a-t-il argué. Dans les restaurants, les cafés maures, les stations de service des zones rurales, des enfants qui n'ont pas encore atteint l'âge de quitter les bancs d'école triment jusqu'à dix heures par jour en contrepartie d'un maigre salaire que l'employeur fractionnerait volontiers pour «fidéliser» ces êtres vulnérables, et issus dans leur majorité de milieux défavorisés. L'absence de structures de loisirs adaptées est un autre aspect d'une faillite certaine dans la prise en charge de ces enfants et adolescents, livrés, parfois aux affres de la rue faute de pouvoir canaliser leur énergie dans des activités culturelles et sportives. Faillite dans la prise en charge de cette frange A quatorze ans, Sami vend des chardonnerets à la place Guennoune ou celle de l'Indépendance, et c'est là qu'il a fait la connaissance de trois jeunes repris de justice, qui vont l'enrôler dans leur bande, selon son propre père. Sauvé in extrémis, grâce à la vigilance de ce dernier, l'enfant commettait déjà des larcins commandités. M.Menzer, fraîchement installé à la tête d'une maison de jeunes dans un quartier chaud, nous livre, ici, ses impressions. «Je crois que tout enfant a le droit au loisir et à des activités culturelles dirigées par des personnes spécialisées et c'est grâce à ces mêmes activités que l'on arrivera à réduire l'agressivité chez l'enfant», a-t-il déclaré, avant de présenter le nombre impressionnant des jeunes inscrits dans cette structure éducative, depuis seulement deux mois. Malheureusement, ceci n'est pas le cas pour plusieurs autres quartiers où le seul loisir consiste à décrocher un travail, sinon se livrer à l'oisiveté.