A l'occasion de la tenue d'une conférence sur la thématique de la citoyenneté et des explications du patrimoine religieux, El Watan Etudiant profite de l'événement pour poser des problématiques concrètes. Ces interrogations ont trait d'abord aux espaces de débats et d'échanges, ces bouffées d'oxygènes qui peinent à exister, et ensuite des lacunes constatées au niveau de la formation des dispensateurs du savoir religieux en l'occurrence les imams. Deux facteurs déterminants dans la propagation du savoir, du savoir-faire et du savoir-vivre. Aujourd'hui (mercredi), à partir de 14h, le Cercle des lumières pour la pensée libre organise, au 67 boulevard Krim Belkacem (ex-Telemly), une conférence-débat sur «La citoyenneté et les explications du patrimoine religieux, conflits des interprétations». Ce cercle de «réflexion algéro-algérienne autour des questions d'actualité et identitaires qui touchent à l'Histoire, au patrimoine religieux et populaire, à la politique et autres», comme le définit son initiateur, le chercheur en soufisme Saïd Djabelkhir, s'attaque dès sa première activité à une problématique éminemment sensible et d'actualité. Au moment où se posent des questions telles que : l'islam est-il soluble dans la démocratie ? La religion doit-elle participer à «produire» le citoyen modèle ? Et à l'heure où des prédicateurs farfelus tentent, avec des approximations parfois loufoques, de faire concorder les règles de l'islam avec les lois de la République — on notera l'appel d'un ahuri à l'Etat pour exécuter une sentence religieuse —, la problématique posée par le Cercle des lumières a choisi une thématique très complexe, que le professeur en philosophie, Smaïl Mahnana, de l'université de Constantine, tentera de cerner. Lors d'une récente interview, Saïd Djabelkhir a fait cette sentence : «Le faqih dans notre histoire (la religion officielle) n'a pas produit de citoyen, il a plutôt produit le sujet salafiste». Au-delà des effets pervers de l'exploitation de la religion par le politique souvent pour des objectifs inavouables de domination et en mettant de côté les grandes rivalités entre courants religieux, il existe un fait indéniable de carences en termes de formation des transmetteurs des valeurs religieuses et/ou républicaines. Le ministère des Affaires religieuses peut se targuer d'avoir l'un des réseaux les plus complets (territorialement parlant) et les plus denses avec ses 17 000 mosquées réparties sur le territoire national. Ces tribunes dédiées aux prêches religieux et à l'éducation des foules n'arrivent même pas à inculquer aux adeptes ne serait-ce que les règles élémentaires de l'hygiène publique. La faute à qui ? A quoi ? Une recherche rapide sur les conditions de recrutement des imams sur le site du ministère des Affaires religieuses peut éclairer sur le niveau de ces autres «faiseurs d'opinion». En cliquant sur la rubrique «formation» sur la page du site, on découvre que pour accéder au premier grade d'imam (car il est bon de noter que ce dernier est un fonctionnaire de la République), c'est-à-dire l'imam moudarrès, il faut justifier d'un niveau de 3e année secondaire (terminale) et de l'assimilation (par cœur) du saint Coran. Trois ans de formation sont dispensés pour accéder au grade. En affinant la recherche sur le même portail, la répartition des horaires et des modules d'apprentissage (une quinzaine) tous en relation directe avec les fondamentaux du savoir religieux, on notera la quasi absence de matières relatives à la culture générale, à l'économie, à la sociologie, au droit ou à l'ouverture vers les langues étrangères. Si on y soustrait l'informatique, l'histoire ou les Lettres arabes, le stagiaire reste baigné dans un savoir exclusivement théologique, ce qui peut produire des imams en déphasage avec leur propre société. La sacralité des positions des prêcheurs, qui sont les symboles de la vertu et des valeurs dans la tête des fidèles, ne permet pas d'approximations. Il n'y a qu'à voir les tâches assignées aux imams, tous grades confondus, énumérées dans le décret exécutif n°08-411 du 24 décembre 2008 portant statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps spécifiques de l'administration chargée des Affaires religieuses et des Wakfs, pour en mesurer l'importance. Au-delà des missions communément connues telles qu'officier les prières, préserver l'unité religieuse et autres, on notera celles relatives à la réconciliation entre les individus et à la lutte contre les fléaux sociaux. Comment un imam peut-il assumer ce genre de tâches s'il n'est pas préalablement formé dans les domaines du droit et de la sociologie ? Un ancien imam de la mosquée de Garidi (Kouba), qui a été interdit d'officier car il ne «cadrait» pas avec les critères de la tutelle malgré l'insistance des fidèles, a dit un jour : «Un imam qui ne connaît pas les pays du G8 et qui ignore les rudiments de la géostratégie doit être interdit de prêcher.»