La résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur le Liban intervient au moment où Israël s'empêtre dans une guerre qui ne lui apporte aucun des résultats escomptés. Sur le plan militaire, les objectifs visés, anéantir le Hezbollah, n'ont pas été atteints. Les rampes de missiles de la milice chiite sont toujours actives alors que les tentatives d'incursion terrestres se heurtent à une résistance acharnée du Hezbollah. C'est une immense déconvenue pour l'état-major israélien qui tablait sur une campagne éclair foudroyante. C'est l'aura de supériorité de l'armée israélienne qui en prend un coup. Au départ, l'agression contre le Liban, justifiée par la destruction du Hezbollah, avait persuadé la population israélienne de soutenir l'offensive. L'échec de l'entreprise ne sera pas sans incidence sur l'opinion publique en Israël. Le Premier ministre Ehud Olmert devra expliquer à ses concitoyens pourquoi Israël, qui a déployé contre le Liban des moyens de guerre colossaux, risque de se retrouver dans le rôle du perdant. Mieux encore, il fait bénéficier le Hezbollah d'une énorme victoire psychologique. La milice chiite ne va certainement pas se priver de se présenter en rempart de la défense du Liban et d'un monde musulman qui n'a gagné aucune confrontation significative avec l'Etat hébreu. La rue israélienne comprendra sans doute que la réputation de supériorité de cette armée a priori intraitable est surfaite. Le Hezbollah lui-même n'en attendait pas tant. L'arrogance des hauts gradés de l'armée israélienne, leur certitude que la campagne contre le Liban serait une simple formalité ont à l'évidence péché par préjugés. Cette attitude témoigne du mépris profond d'Israël pour les autres peuples voisins qui ne disposent pas de la formidable panoplie militaire de l'Etat hébreu. Cette démesure dans la perception de l'autre, cet orgueil de conquérants ont poussé les généraux israéliens à déclencher une agression qui ne les placera pas forcément dans le cortège des vainqueurs. Loin s'en faut, car après le vacarme des armes, les militaires israéliens qui ont pris l'initiative de l'agression contre le Liban devront assumer la lourde responsabilité d'avoir fait mourir des centaines d'innocents et d'avoir détruit l'infrastructure d'un pays encore en reconstruction. Et à ce niveau, il ne faut pas être dupe du fait que la résolution qui vient d'être adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU a été précipitée par l'échec patent d'Israël dans son offensive contre le Hezbollah. Les Etats-Unis, coauteurs avec le France de cette résolution 1701, avaient tout fait auparavant pour en retarder l'aboutissement. Les Américains, dès le départ, ont calculé qu'il fallait laisser à Israël le temps de venir à bout du Hezbollah. Mais après un mois de bombardements implacables, les images insoutenables de mort et d'exode, l'imminence de voir le Liban basculer dans la famine, les Américains eux-mêmes ne pouvaient plus croire qu'Israël avait partie gagnée. La poursuite de l'agression contre le Liban, la cohorte d'horreurs qu'elle engendre, ne peuvent que retourner les opinions publiques, y compris aux Etats-Unis, contre Israël, toujours présenté comme victime d'un environnement hostile. L'état-major israélien a cherché à instrumentaliser ce mythe en entourant l'agression contre le Liban comme une mesure de légitime défense. Mais à Qana, ce sont des femmes et des enfants que les bombes israéliennes ont tués. Cela écorne sérieusement l'image héroïque cultivée par Israël. Sa guerre totale contre le Liban aura marqué les limites d'une stratégie qui n'aura pas tenu compte des aléas du terrain. Car il faut bien comprendre que si Israël s'était imposé militairement contre le Hezbollah — et George Bush lui-même n'attendait rien d'autre de l'offensive contre le Liban — la résolution du Conseil de sécurité n'aurait été qu'une idée dans l'air. Il reste à savoir maintenant comment Israël va gérer la suite des évènements tant par rapport à son opinion interne qu'à l'égard de la communauté internationale. Il lui faudra dans tous les cas de figure trouver les arguments pour sauver la face car, dans le choix de la guerre comme de la paix, Israël n'a plus la maîtrise du théâtre — politique et militaire — des opérations.