La cessation des hostilités israéliennes contre le Liban n'épuise pas toutes les incertitudes qui pèsent sur l'avenir du pays. Tel-Aviv avait perpétré son agression pour en finir avec le Hezbollah et reconfigurer la carte militaro-politique au Liban. L'état-major israélien a manifestement sous-estimé les capacités de riposte de la milice chiite qu'il assimilait au demeurant à un ramassis de terroristes. Cela démontre la faillite de son système de renseignements qui ne lui a pas servi à prendre la mesure de l'ennemi qu'il entendait tailler en pièces. Le corps expéditionnaire israélien au Sud-Liban avait été pris de court par la virulence de l'opposition rencontrée. Nombre de militaires israéliens ont reconnu avoir fait face à des combattants disciplinés et aussi aptes qu'eux-mêmes à l'épreuve du feu. A telle enseigne que les incursions terrestres de l'armée israélienne ont été repoussées. Cette déconvenue est le résultat manifeste d'une appréciation approximative de la force de frappe du Hezbollah par les experts israéliens. Le mouvement, dans sa configuration actuelle, n'est plus comparable à ce qu'il était à l'entame des années 1980. Le Hezbollah s'est imposé sur la scène libanaise comme un Etat dans l'Etat, avec ses propres moyens de communication et des sources de financement qui lui permettent d'entretenir des dizaines de milliers de miliciens entraînés et armés. La milice chiite qui tirait gloire d'avoir chassé Israël du Sud-Liban incarnait pour les Libanais un mouvement de résistance avec lequel il fallait compter. L'agression israélienne contre le Liban donne au Hezbollah la force du symbole face à une armée israélienne jusqu'alors réputée invincible. Tel-Aviv, qui n'a tiré aucun bénéfice militaire de ses 33 jours d'offensive contre le Liban, n'a d'autre ressource que de recourir à la guerre verbale par le biais de son Premier ministre, Ehud Olmert, qui s'est répandu en amères invectives sur le Hezbollah. Cela n'influera sans doute pas sur la nature des problèmes que pose à l'Etat hébreu, aux Etats-Unis et au monde occidental, la présence du Hezbollah dans l'échiquier proche-oriental. La question posée à la cessation des hostilités reste plus que jamais celle de savoir comment désarmer le Hezbollah et l'amener à s'autodissoudre. En toute hypothèse, le mouvement chiite qui sort renforcé de la guerre n'a pas de raison d'obtempérer aux injonctions des instances internationales qui sont restées lettre morte sur le chapitre du désarmement. Les autorités libanaises seront certainement assez prudentes quant au risque d'implosion du pays que ferait peser son implication dans le désarmement de la milice chiite. Ce serait un scénario lourd de dangers majeurs. L'ONU, forte de la résolution sur le désarmement du Hezbollah, pourrait voir sa marge de manœuvre réduite du fait que les pays qui accepteraient de s'associer à une force intérimaire ne seraient pas forcément partants pour en découdre avec la milice chiite. A bien des égards, c'est le plan Siniora qui pourrait être efficient, car il est ouvert sur l'avenir. Les propositions du Premier ministre libanais procèdent d'une vision pragmatique en ceci qu'elles posent la problématique d'une décolonisation à parachever du Liban. Ce qui appelle Israël à se retirer des territoires libanais occupés, l'armée libanaise se rappropriant pour sa part les tâches de défense des frontières. Fouad Siniora a besoin du concours de la communauté internationale qui doit faire pression sur Israël pour se retirer des fermes de Chebaâ et libérer les prisonniers arbitrairement détenus. C'est à cette condition que le dialogue interlibanais pourra s'amorcer, car le Hezbollah puise sa substance du combat contre Israël. Si l'Etat hébreu s'inscrit dans une dynamique de paix, les Libanais pourraient se parler entre eux et convaincre le Hezbollah de fondre sa milice dans les rangs de l'armée régulière et de mettre ses armes à son service. Il n'y a aucune raison de croire que les efforts de Fouad Siniora ne tendent pas à un retour à la normale qui signifierait la participation du Hezbollah à un processus de paix. C'est aux Libanais, et à eux seuls, qu'il appartient de gérer l'épineux dossier de la milice armée du Hezbollah. Pour désarmer le Hezbollah, les Israéliens devraient commencer à ne plus lui donner une seule raison de les combattre.