Après avoir échoué dans son entreprise de neutralisation des milices libanaises qui tiennent bon face à l'armada militaire israélienne, allant même jusqu'à lui porter des coups très durs, qui ont mis en doute sa supposée invincibilité, l'armée de Tsahal a décidé, hier, lors d'une réunion de son cabinet de sécurité, de jeter toutes ses forces dans la guerre. L'armée israélienne, qui avait limité les premiers jours de l'agression contre le Liban ses opérations militaires à des raids aériens sur des positions du Hezbollah avant que les bombardements ne s'étendent à l'ensemble du territoire libanais, avait écarté, au début du conflit, l'idée d'une opération militaire terrestre dans le Sud-Liban. L'échec cuisant enregistré sur le terrain après un mois d'une campagne militaire d'une rare sauvagerie a tôt fait de pousser l'état-major israélien à envisager un mouvement de ses troupes au Sud-Liban à la frontière avec Israël censé abriter les rampes de lancement de missiles Katioucha qui s'abattent quotidiennement sur les villes frontalières libanaises. Quelque 10 000 hommes puissamment armés de matériel offensif lourd sont mobilisés dans cette opération terrestre. L'état-major israélien avait tablé sur une profondeur stratégique de 3 à 5 km du Sud-Liban à « pacifier » pour mettre les villes frontalières israéliennes hors de portée des roquettes du Hezbollah. Pour autant l'incursion des troupes israéliennes en territoire libanais n'a pas empêché le Hezbollah de continuer à porter la guerre en territoire israélien en intensifiant le lancement de ses roquettes sur les villes frontalières désertées de leurs habitants. La détention par le Hezbollah de missiles de longue portée pouvant atteindre jusqu'à 60 kilomètres a poussé le cabinet de sécurité israélien à prendre la décision de repousser plus en profondeur encore les limites territoriales de la « zone de sécurité » dans un rayon allant jusqu'à 30 km. Jusqu'au fleuve Litani, voire au-delà, selon les résultats militaires sur le terrain. L'effectif global des forces qui seront mobilisées dans ce cadre pourrait atteindre 30 000 hommes. Les stratèges militaires israéliens ont réfléchi à tout, y compris aux pertes militaires israéliennes estimées entre 300 et 500 soldats. Mardi, les officiers en charge du commandement militaire nord ont rencontré les commandants de régiment en opération au Liban-Sud et donné leur feu vert aux plans sur la suite des opérations. Des unités régulières et du cadre de réserve continuent de monter vers le Nord, à la frontière avec le Liban. Suite à l'échec des opérations terrestres dans le Sud-Liban, le commandement militaire israélien de cette zone a connu de profonds changements. C'est le chef d'état-major adjoint, le général Moshé Kaplinsky, qui dirige désormais les opérations. En prévision toujours de cette grande offensive terrestre annoncée au Sud-Liban, l'armée israélienne a averti la population du Sud par le biais de tracts qu'il intensifierait son offensive et bombarderait « tout véhicule circulant au sud du Litani ». Le cabinet de sécurité israélien a dévoilé dans le communiqué rendu public hier les véritables desseins qui se cachent derrière la décision d'étendre le théâtre des opérations et qui consistent clairement à (ré)occuper le Sud-Liban. On ne mobilise pas une telle force et de tels moyens pour une opération militaire conjoncturelle. Tout le Liban est désormais déclaré zone de guerre. Le cabinet israélien a décidé « de poursuivre les opérations contre les objectifs du Hezbollah dans tout le Liban, par l'armée de l'air, la marine et les forces terrestres ». Et pour ne pas apparaître aux yeux de la communauté internationale comme un cabinet de va-t-en guerre, il est envisagé « la poursuite des efforts diplomatiques en vue d'une solution politique, en particulier dans le cadre du Conseil de sécurité de l'ONU ». La décision du cabinet de sécurité israélien de réoccuper le Liban, car c'est de cela qu'il s'agit, intervient alors que le Conseil de sécurité planche sur un projet de résolution franco-américain devant aboutir à la cessation des hostilités, un projet rejeté par le Liban et les pays membres de la Ligue arabe qui ont apporté des propositions d'amendements au document qui sera soumis au Conseil de sécurité pour adoption. Le geste d'Israël qui s'apparente à une provocation — une de plus — ne semble pas irriter les Occidentaux et les Américains qui cautionnent par leur laxisme et leur complicité ouverte ou tacite — c'est selon — la guerre destructrice menée par Israël au Liban. Le moins qu'Israël aurait pu faire s'il était réellement attaché à la paix, comme le proclament ses dirigeants, c'est de ne pas en rajouter, d'éviter l'escalade militaire pour donner une chance à la diplomatie d'aboutir. Pour Israël, la frontière entre la guerre et la diplomatie est aussi artificielle que les limites territoriales du grand Israël que l'Etat hébreu rêve de construire. Les objectifs déclarés de l'offensive terrestre israélienne 1- Retour immédiat et sans condition des militaires enlevés 2- Arrêt immédiat de toutes les hostilités à partir du Liban contre Israël et les objectifs israéliens, y compris l'arrêt des tirs de roquettes et de missiles contre Israël 3- Pleine application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU 4- Déploiement d'une force internationale efficace au Liban-Sud, aux côtés de l'armée libanaise, le long de la ligne bleue 5- Empêcher le Hezbollah de reconstituer ses capacités opérationnelles, principalement en empêchant le passage d'armes et d'équipements militaires de Syrie et d'Iran vers le Liban.