En 2014, la forte exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis n'a pas été sans conséquences sur le prix de l'or noir. Si l'année avait bien commencé pour les pays exportateurs de pétrole en termes de recettes, pour les hydrocarbures elle s'achève sur fond d'incertitudes pour bon nombre d'entre eux, comme l'Algérie, dont l'économie dépend fortement de la rente pétrolière. En trois mois seulement, d'octobre à décembre, les cours du pétrole ont chuté de 50%. De juin à aujourd'hui, ils ont perdu 40% de leur valeur. Et dire que les prévisions étaient tout autres en 2013. L'année dernière à la même période, les experts du secteur n'avaient pas évoqué cette sombre perspective pour le marché pétrolier. En effet, il y a un an, la plupart des économistes évoquaient un cours stable, situé entre 100 et 110 dollars le baril pour le brent. Les plus pessimistes d'entre eux envisageaient un cours du baril chutant à 80 dollars. Et voilà qu'on se retrouve avec un baril en dessous de 55 dollars. Un prix qui ne sera pas sans répercussions pour l'Algérie dont les difficultés pour équilibrer les budgets ou pour importer des produits de première nécessité s'annoncent déjà, et dont les mesures pour la diversification de l'économie tardent à être mises en œuvre sur le terrain, faute d'un management efficace. L'inquiétude est d'ailleurs montée crescendo chez nos décideurs, qui ont enchaîné en cette fin d'année réunion sur réunion pour voir comment opérer des coupes budgétaires. Les assurances affichées par le ministre des Finances, Mohamed Djellab, mi-décembre, sur les capacités de l'Etat à mener à bon port les projets annoncés en grande pompe, ont fini par être effacées. Une réunion au sommet a regroupé la semaine dernière autour de Abdelaziz Bouteflika le vice-ministre de la Défense, le gouverneur de la Banque d'Algérie et six ministres du secteur économique pour annoncer au final que l'Algérie disposait «d'une certaine marge de manœuvre résultant d'un désendettement public anticipé quasi-total». «Mais de quelle marge de manœuvre parle-t-on ?» s'interroge un expert contacté à cet effet. Et de poursuivre : «Peut-on compter sur les réserves de change constituées et sur l'épargne publique accumulée au niveau du Fonds de régulation des recettes pour dire que le pays a les moyens de faire face aux conséquences des perturbations sur le marché pétrolier ?». «Evidemment, non», répondra-t-il évoquant dans le même sillage la nécessité de faire fructifier les réserves de change. Manque de clairvoyance En attendant, l'inquiétude est bien là mais aussi les contradictions puisqu'aux assurances des uns et des autres, une instruction invitant les ministres à l'austérité a été adressée le week-end dernier aux ministres. C'est dire le manque de clairvoyance au niveau du gouvernement et l'absence de moyens managériaux pour faire face à une telle crise. Pour l'heure, on s'est contenté d'annoncer, comme c'est le cas habituellement, des solutions à court terme à l'image du report d'un certain nombre de projets qui ne sont pas prioritaires (tramway, chemin de fer). Ce qui induira un retard de développement au niveau local et peut-être une montée de la contestation sociale. Déjà que les mouvements de protestation sont récurrents ces derniers mois. Cette baisse substantielle des recettes des hydrocarbures et la manière dont le dossier est pris en charge rappellent clairement que le pouvoir en place n'a pas retenu les leçons des crises vécues durant cette décennie, plus particulièrement la crise financière et économique de 2008-2009 et la hausse vertigineuses des prix des matières premières alimentaires sur le marché mondial. Et ce ne sont pourtant pas les appels et les avertissements quant à la nécessité d'adopter un plan de développement économique loin de la rente du pétrole qui ont manqué au cours de cette période et durant la campagne électorale pour la présidentielle d'avril 2015. Une campagne chargée, pour rappel, de promesses et d'engagements quet le pouvoir n'a plus les moyens de tenir. Il y a eu, à titre illustratif, le manifeste du think tank Nabni et les propositions du cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE). Cependant, le gouvernement mis en place après le 17 avril n'a pas pris en considération toutes ces alertes et a fini par élaborer un plan quinquennal 2015-2019 basé sur l'investissement public. Et ce n'est qu'aujourd'hui qu'on parle de l'exploration de nouvelles pistes, comme l'emprunt obligataire. Mais les conditions sont-elles assurées dans ce cadre ?